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Vous rencontrerez peut - être le bonheur , monsieur , et il vaut mieux que toutes les pensées brillantes , vraies ou fausses , qui se disent chaque soir à Paris . " Avant de saluer la marquise , Charles obtint la permission d' aller lui faire ses adieux . Il s' estima très heureux d' avoir donné à sa requête les formes de la sincérité , lorsque le soir , en se couchant , et le lendemain , pendant toute la journée , il lui fut impossible de chasser le souvenir de cette femme .
Tantôt il se demandait pourquoi la marquise l' avait distingué ; quelles pouvaient être ses intentions en demandant à le revoir , et il fit d' intarissables commentaires .
Tantôt il croyait trouver les motifs de cette curiosité , il s' enivrait alors d' espérance , ou se refroidissait , suivant les interprétations par lesquelles il s' expliquait ce souhait poli , si vulgaire à Paris .
Tantôt c' était tout , tantôt ce n' était rien . Enfin , il voulut résister au penchant qui l' entraînait vers Mme d' Aiglemont ; mais il alla chez elle .
Il existe des pensées auxquelles nous obéissons sans les connaître : elles sont en nous à notre insu . Quoique cette réflexion puisse paraître plus paradoxale que vraie , chaque personne de bonne foi en trouvera mille preuves dans sa vie .
En se rendant chez la marquise , Charles obéissait à l' un de ces textes préexistants dont notre expérience et les conquêtes de notre esprit ne sont , plus tard , que les développements sensibles .
Une femme de trente ans a d' irrésistibles attraits pour un jeune homme , et rien de plus naturel , de plus fortement tissu , de mieux préétabli que les attachements profonds dont tant d' exemples nous sont offerts dans le monde entre une femme comme la marquise et un jeune homme tel que Vandenesse .
En effet , une jeune fille a trop d' illusions , trop d' inexpérience , et le sexe est trop complice de son amour , pour qu' un jeune homme puisse en être flatté ; tandis qu' une femme connaît toute l' étendue des sacrifices à faire .
Là où l' une est entraînée par la curiosité , par des séductions étrangères à celles de l' amour , l' autre obéit à un sentiment consciencieux .
L' une cède , l' autre choisit . Ce choix n' est - il pas déjà une immense flatterie ? Armée d' un savoir presque toujours chèrement payé par des malheurs , en se donnant , la femme expérimentée semble donner plus qu' elle - même ; tandis que la jeune fille , ignorante et crédule , ne sachant rien , ne peut rien comparer , rien apprécier ; elle accepte l' amour et l' étudie .
FEMME DE 30 ANS (II, privé)
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