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" Vous le voyez , madame , nous devons vivre avec nos douleurs , et la religion seule nous offre des consolations vraies . Me permettrez - vous de revenir vous faire entendre la voix d' un homme qui sait sympathiser avec toutes les peines , et qui , je le crois , n' a rien de bien effrayant ?
Oui , monsieur , venez . Je vous remercie d' avoir pensé à moi .
Eh bien , madame , à bientôt . "
Cette visite détendit pour ainsi dire l' âme de la marquise , dont les forces avaient été trop violemment excitées par le chagrin et par la solitude . Le prêtre lui laissa dans le coeur un parfum balsamique et le salutaire retentissement des paroles religieuses .
Puis elle éprouva cette espèce de satisfaction qui réjouit le prisonnier quand , après avoir reconnu la profondeur de sa solitude et la pesanteur de ses chaînes , il rencontre un voisin qui frappe à la muraille en lui faisant rendre un son par lequel s' expriment des pensées communes .
Elle avait un confident inespéré . Mais elle retomba bientôt dans ses amères contemplations , et se dit , comme le prisonnier , qu' un compagnon de douleur n' allégerait ni ses liens ni son avenir .
Le curé n' avait pas voulu trop effaroucher dans une première visite une douleur tout égoïste ; mais il espéra , grâce à son art , pouvoir faire faire des progrès à la religion dans une seconde entrevue .
Le surlendemain , il vint en effet , et l' accueil de la marquise lui prouva que sa visite était désirée .
" Eh bien , madame la marquise , dit le vieillard , avez - vous un peu songé à la masse des souffrances humaines ? avez - vous élevé les yeux vers le ciel ? y avez - vous vu cette immensité de mondes qui , en diminuant notre importance , en écrasant nos vanités , amoindrit nos douleurs ? ...
Non , monsieur , dit - elle . Les lois sociales me pèsent trop sur le coeur et me le déchirent trop vivement pour que je puisse m' élever dans les cieux . Mais les lois ne sont peut - être pas aussi cruelles que le sont les usages du monde . Oh ! le monde !
Nous devons , madame , obéir aux uns et aux autres : la loi est la parole , et les usages sont les actions de la société .

FEMME DE 30 ANS (II, privé)
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