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Son obéissance répondit Julie , est en partie fondée sur la grande estime que je lui ai inspirée . Je suis une femme très vertueuse selon les lois : je lui rends sa maison agréable , je ferme les yeux sur ses intrigues , je ne prends rien sur sa fortune , il peut en gaspiller les revenus à son gré , j' ai soin seulement d' en conserver le capital .
à ce prix , j' ai la paix . Il ne s' explique pas , ou ne veut pas s' expliquer mon existence . Mais si je mène ainsi mon mari , ce n' est pas sans redouter les effets de son caractère .
Je suis comme un conducteur d' ours qui tremble qu' un jour la muselière ne se brise . Si Victor croyait avoir le droit de ne plus m' estimer , je n' ose prévoir ce qui pourrait arriver ; car il est violent , plein d' amour - propre , de vanité surtout .
Il n' a pas l' esprit assez subtil pour prendre un parti sage dans une circonstance délicate où ses passions mauvaises seront mises en jeu , il est faible de caractère , et me tuerait peut - être provisoirement , quitte à mourir de chagrin le lendemain .
Mais ce fatal bonheur n' est pas à craindre ... "
Il y eut un moment de silence , pendant lequel les pensées des deux amies se portèrent sur la cause secrète de cette situation .
" J' ai été bien cruellement obéie , reprit Julie en lançant un regard d' intelligence à Louisa . Cependant je ne lui avais pas interdit de m' écrire . Ah ! il m' a oubliée , et a eu raison . Il serait par trop funeste que sa destinée fût brisée ! n' est - ce pas assez de la mienne ? Croirais - tu , ma chère , que je lis les journaux anglais dans le seul espoir de voir son nom imprimé .
Eh bien , il n' a pas encore paru à la chambre des lords .
Tu sais donc l' anglais ?
Je ne te l' ai pas dit ! Je l' ai appris .
Pauvre petite , s' écria Louisa en saisissant la main de Julie , mais comment peux - tu vivre encore ?
Ceci est un secret , répondit la marquise en laissant échapper un geste de naïveté presque enfantine . Écoute . Je prends de l' opium . L' histoire de la duchesse de ... , à Londres , m' en a donné l' idée . Tu sais , Maturin en a fait un roman .
Mes gouttes de laudanum sont très faibles . Je dors . Je n' ai guère que sept heures de veille , et je les donne à ma fille ... "
Louisa regarda le feu , sans oser contempler son amie dont toutes les misères se développaient à ses yeux pour la première fois .
FEMME DE 30 ANS (II, privé)
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