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Mille vestiges de l' Espagne poétisent cette ravissante habitation : les genêts d' or , les fleurs à clochettes embaument la brise ; l' air est caressant , la terre sourit partout , et partout de douces magies enveloppent l' âme , la rendent paresseuse , amoureuse , l' amollissent et la bercent . Cette belle et suave contrée endort les douleurs et réveille les passions . Personne ne reste froid sous ce ciel pur devant ces eaux scintillantes . Là meurt plus d' une ambition , là vous vous couchez au sein d' un tranquille bonheur , comme chaque soir le soleil se couche dans ses langes de pourpre et d' azur .
Par une douce soirée du mois d' août , en 1821 , deux personnes gravissaient les chemins pierreux qui découpent les rochers sur lesquels est assis le château , et se dirigeaient vers les hauteurs pour y admirer sans doute les points de vue multipliés qu' on y découvre .
Ces deux personnes étaient Julie et lord Grenville ; mais cette Julie semblait être une nouvelle femme . La marquise avait les franches couleurs de la santé .
Ses yeux , vivifiés par une féconde puissance , étincelaient à travers une humide vapeur , semblable au fluide qui donne à ceux des enfants d' irrésistibles attraits . Elle souriait à plein , elle était heureuse de vivre , et concevait la vie .
à la manière dont elle levait ses pieds mignons , il était facile de voir que nulle souffrance n' alourdissait comme autrefois ses moindres mouvements , n' alanguissait ni ses regards , ni ses paroles , ni ses gestes .
Sous l' ombrelle de soie blanche qui la garantissait des chauds rayons du soleil , elle ressemblait à une jeune mariée sous son voile , à une vierge prête à se livrer aux enchantements de l' amour .
Arthur la conduisait avec un soin d' amant , il la guidait comme on guide un enfant , la mettait dans le meilleur chemin , lui faisait éviter les pierres , lui montrait une échappée de vue ou l' amenait devant une fleur , toujours mû par un perpétuel sentiment de bonté , par une intention délicate , par une connaissance intime du bien - être de cette femme , sentiments qui semblaient être innés en lui , autant et plus peut - être que le mouvement nécessaire à sa propre existence .
La malade et son médecin marchaient du même pas sans être étonnés d' un accord qui paraissait avoir existé dès le premier jour où ils marchèrent ensemble ; ils obéissaient à une même volonté , s' arrêtaient , impressionnés par les mêmes sensations , leurs regards , leurs paroles correspondaient à des pensées mutuelles .

FEMME DE 30 ANS (II, privé)
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