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Elle résolut alors de lutter avec sa rivale , de reparaître dans le monde , d' y briller ; de feindre pour son mari un amour qu' elle ne pouvait plus éprouver , de le séduire , puis , lorsque par ses artifices elle l' aurait soumis à son pouvoir , d' être coquette avec lui comme le sont ces capricieuses maîtresses qui se font un plaisir de tourmenter leurs amants .
Ce manège odieux était le seul remède possible à ses maux . Ainsi elle deviendrait maîtresse de ses souffrances , elle les ordonnerait selon son bon plaisir , et les rendrait plus rares tout en subjuguant son mari , tout en le domptant sous un despotisme terrible .
Elle n' eut plus aucun remords de lui imposer une vie difficile . D' un seul bond , elle s' élança dans les froids calculs de l' indifférence .
Pour sauver sa fille , elle devina tout à coup les perfidies , les mensonges des créatures qui n' aiment pas , les tromperies de la coquetterie , et ces ruses atroces qui font haïr si profondément la femme chez qui les hommes supposent alors des corruptions innées .
à l' insu de Julie , sa vanité féminine , son intérêt et un vague désir de vengeance s' accordèrent avec son amour maternel pour la faire entrer dans une voie où de nouvelles douleurs l' attendaient .
Mais elle avait l' âme trop belle , l' esprit trop délicat , et surtout trop de franchise pour être longtemps complice de ces fraudes . Habituée à lire en elle - même , au premier pas dans le vice , car ceci était du vice , le cri de sa conscience devait étouffer celui des passions et de l' égoïsme .
En effet , chez une jeune femme dont le coeur est encore pur , et où l' amour est resté vierge , le sentiment de la maternité même est soumis à la voix de la pudeur .
La pudeur n' est - elle pas toute la femme ? Mais Julie ne voulut apercevoir aucun danger , aucune faute dans sa nouvelle vie .
Elle vint chez Mme de Sérizy . Sa rivale comptait voir une femme pâle , languissante ; la marquise avait mis du rouge , et se présenta dans tout l' éclat d' une parure qui rehaussait encore sa beauté .
Mme la comtesse de Sérizy était une de ces femmes qui prétendent exercer à Paris une sorte d' empire sur la mode et sur le monde ; elle dictait des arrêts , qui , reçus dans le cercle où elle régnait , lui semblaient universellement adoptés ; elle avait la prétention de faire des mots ; elle était souverainement jugeuse .
Littérature , politique , hommes et femmes , tout subissait sa censure ; et Mme de Sérizy semblait défier celle des autres .

FEMME DE 30 ANS (II, privé)
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