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Il paraissait avoir fait une certaine étude de la vie que menaient ces deux femmes solitaires , et ne manquait jamais à se trouver à leur déjeuner ou à leur dîner . Son cheval ralentissait le pas sans avoir besoin d' être averti ; puis , pendant le temps qu' il mettait à franchir l' espace pris par les deux fenêtres de la salle à manger , Arthur y jetait un regard mélancolique , la plupart du temps dédaigné par la comtesse , qui n' y faisait aucune attention .
Mais accoutumée à ces curiosités mesquines qui s' attachent aux plus petites choses afin d' animer la vie de province , et dont se garantissent difficilement les esprits supérieurs , la marquise s' amusait de l' amour timide et sérieux , si tacitement exprimé par l' Anglais .
Ces regards périodiques étaient devenus comme une habitude pour elle , et chaque jour elle signalait le passage d' Arthur par de nouvelles plaisanteries .
En se mettant à table , les deux femmes regardèrent simultanément l' insulaire .
Les yeux de Julie et d' Arthur se rencontrèrent cette fois avec une telle précision de sentiment , que la jeune femme rougit . Aussitôt l' Anglais pressa son cheval et partit au galop .
" Mais , madame , dit Julie à sa tante , que faut - il faire ? Il doit être constant pour les gens qui voient passer cet Anglais que je suis ...
Oui , répondit la tante en l' interrompant .
Hé bien , ne pourrais - je pas lui dire de ne pas se promener ainsi ?
Ne serait - ce pas lui donner à penser qu' il est dangereux ? Et d' ailleurs pouvez - vous empêcher un homme d' aller et venir où bon lui semble ? Demain nous ne mangerons plus dans cette salle ; quand il ne nous y verra plus , le jeune gentilhomme discontinuera de vous aimer par la fenêtre .
Voilà , ma chère enfant , comment se comporte une femme qui a l' usage du monde . "
Mais le malheur de Julie devait être complet . à peine les deux femmes se levaient - elles de table , que le valet de chambre de Victor arriva soudain . Il venait de Bourges à franc étrier , par des chemins détournés , et apportait à la comtesse une lettre de son mari .
Victor , qui avait quitté l' Empereur , annonçait à sa femme la chute du régime impérial , la prise de Paris , et l' enthousiasme qui éclatait en faveur des Bourbons sur tous les points de la France ; mais ne sachant comment pénétrer jusqu' à Tours , il la priait de venir en toute hâte à Orléans où il espérait se trouver avec des passeports pour elle .
FEMME DE 30 ANS (II, privé)
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