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Les heures passèrent rapidement , la confidence que Julie faisait dans cette lettre paraissait lui coûter beaucoup , chaque phrase amenait de longues rêveries ; tout à coup la jeune femme fondit en larmes et s' arrêta . En ce moment les horloges sonnèrent deux heures . Sa tête , aussi lourde que celle d' une mourante , s' inclina sur son sein ; puis , quand elle la releva , Julie vit sa tante surgie tout à coup , comme un personnage qui se serait détaché de la tapisserie tendue sur les murs .
" Qu' avez - vous donc , ma petite ? lui dit sa tante . Pourquoi veiller si tard , et surtout pourquoi pleurer seule , à votre âge ? "
Elle s' assit sans autre cérémonie près de sa nièce et dévora des yeux la lettre commencée .
" Vous écriviez à votre mari ?
Sais - je où il est ? " reprit la comtesse .
La tante prit le papier et le lut . Elle avait apporté ses lunettes , il y avait préméditation . L' innocente créature laissa prendre la lettre sans faire la moindre observation . Ce n' était ni un défaut de dignité , ni quelque sentiment de culpabilité secrète qui lui ôtait ainsi toute énergie ; non , sa tante se rencontra là dans un de ces moments de crise où l' âme est sans ressort , où tout est indifférent , le bien comme le mal , le silence aussi bien que la confiance .
Semblable à une jeune fille vertueuse qui accable un amant de dédains , mais qui , le soir , se trouve si triste , si abandonnée , qu' elle le désire , et veut un coeur où déposer ses souffrances , Julie laissa violer sans mot dire le cachet que la délicatesse imprime à une lettre ouverte , et resta pensive pendant que la marquise lisait .
" Ma chère Louisa , pourquoi réclamer tant de fois l' accomplissement de la plus imprudente promesse que puissent se faire deux jeunes filles ignorantes ? Tu te demandes souvent , m' écris - tu , pourquoi je n' ai pas répondu depuis six mois à tes interrogations .
Si tu n' as pas compris mon silence , aujourd' hui tu en devineras peut - être la raison en apprenant les mystères que je vais trahir . Je les aurais à jamais ensevelis dans le fond de mon coeur , si tu ne m' avertissais de ton prochain mariage .

FEMME DE 30 ANS (II, privé)
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