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La comtesse vendait ses diamants en songeant à en porter de faux . Elle se décidait à demander la somme à Vandenesse pour sa soeur , déjà mise en jeu par elle ; mais elle avait trop de noblesse pour ne pas reculer devant les moyens déshonorants , elle les concevait et les repoussait .
L' argent de Vandenesse à Nathan ! Elle bondissait dans son lit effrayée de sa scélératesse . Faire monter de faux diamants ? son mari finirait par s' en apercevoir .
Elle voulait aller demander la somme aux Rothschild qui avaient tant d' or , à l' archevêque de Paris qui devait secourir les pauvres , courant ainsi d' une religion à l' autre , implorant tout .
Elle déplora de se voir en dehors du gouvernement ; jadis elle aurait trouvé son argent à emprunter aux environs du trône . Elle pensait à recourir à son père . Mais l' ancien magistrat avait en horreur les illégalités ; ses enfants avaient fini par savoir combien peu il sympathisait avec les malheurs de l' amour ; il ne voulait point en entendre parler , il était devenu misanthrope , il avait toute intrigue en horreur .
Quant à la comtesse de Granville , elle vivait retirée en Normandie dans une de ses terres , économisant et priant , achevant ses jours entre des prêtres et des sacs d' écus froide jusqu' au dernier moment .
Quand Marie aurait eu le temps d' arriver à Bayeux , sa mère lui donnerait - elle tant d' argent sans savoir quel en serait l' usage ? Supposer des dettes ? Oui , peut - être se laisserait - elle attendrir par sa favorite .
Eh bien , en cas d' insuccès , la comtesse irait donc en Normandie . Le comte de Granville ne refuserait pas de lui fournir un prétexte de voyage en lui donnant le faux avis d' une grave maladie survenue à sa femme .
Le désolant spectacle qui l' avait épouvantée le matin , les soins prodigués à Nathan , les heures passées au chevet de son lit , ces narrations entrecoupées , cette agonie d' un grand esprit , ce vol du génie arrêté par un vulgaire , par un ignoble obstacle , tout lui revint en mémoire pour stimuler son amour .
Elle repassa ses émotions et se sentit encore plus éprise par les misères que par les grandeurs .

UNE FILLE D EVE (II, privé)
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