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Ce regard , tout le monde l' eût interprété par un des mots de Florine : " Toi , tu ne pourras bientôt plus mettre ton chapeau ! " Mme d' Espard , l' une des femmes les plus impertinentes de ce temps , avait tout vu de sa loge ; elle éleva la voix en disant quelque insignifiant bravo .
Raoul , au - dessus de qui elle était , finit par se retourner ; il la salua , et reçut d' elle un gracieux sourire qui semblait si bien lui dire : " Si l' on vous chasse de là , venez ici ! " que Raoul quitta sa colonne et vint faire une visite à Mme d' Espard .
Il avait besoin de se montrer là pour apprendre à ce petit monsieur de Vandenesse que la Célébrité valait la Noblesse , et que devant Nathan toutes les portes armoriées tournaient sur leurs gonds .
La marquise l' obligea de s' asseoir en face d' elle , sur le devant . Elle voulait lui donner la question .
" Mme Félix de Vandenesse est ravissante ce soir , lui dit - elle en le complimentant de cette toilette comme d' un livre qu' il aurait publié la veille .
Oui , dit Raoul avec indifférence , les marabouts lui vont à merveille ; mais elle y est bien fidèle , elle les avait avant - hier , ajouta - t - il d' un air dégagé pour répudier par cette critique la charmante complicité dont l' accusait la marquise .
Vous connaissez le proverbe ? répondit - elle . Il n' y a pas de bonne fête sans lendemain . "
Au jeu des reparties , les célébrités littéraires ne sont pas toujours aussi fortes que les marquises . Raoul prit le parti de faire la bête , dernière ressource des gens d' esprit .
" Le proverbe est vrai pour moi , dit - il en regardant la marquise d' un air galant .
- Mon cher , votre mot vient trop tard pour que je l' accepte , répliqua - t - elle en riant . Ne soyez pas si bégueule ; allons , vous avez trouvé hier matin , au bal , Mme de Vandenesse charmante en marabouts ; elle le sait , elle les a remis pour vous .
Elle vous aime , vous l' adorez ; c' est un peu prompt , mais je ne vois là rien que de très naturel . Si je me trompais , vous ne tordriez pas l' un de vos gants comme un homme qui enrage d' être à côté de moi , au lieu de se trouver dans la loge de son idole , d' où il vient d' être repoussé par un dédain officiel , et de s' entendre dire tout bas ce qu' il voudrait entendre dire très haut .
" Raoul tortillait en effet un de ses gants et montrait une main étonnamment blanche .

UNE FILLE D EVE (II, privé)
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