----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Quand , en sa qualité d' ennemi de la nouvelle dynastie , Raoul fut introduit dans le salon de Mme de Montcornet , ses apparentes grandeurs florissaient . Il était accepté comme le critique politique des de Marsay , des Rastignac , des La Roche - Hugon , arrivés au pouvoir .
Victime de ses fatales hésitations , de sa répugnance pour l' action qui ne concernait que lui - même , Émile Blondet , l' introducteur de Nathan , continuait son métier de moqueur , ne prenait parti pour personne et tenait à tout le monde .
Il était l' ami de Raoul , l' ami de Rastignac , l' ami de Montcornet . " Tu es un triangle politique , lui disait en riant de Marsay quand il le rencontrait à l' Opéra , cette forme géométrique n' appartient qu' à Dieu qui n' a rien à faire ; mais les ambitieux doivent aller en ligne courbe , le chemin le plus court en politique .
" Vu à distance , Raoul Nathan était un très beau météore .
La mode autorisait ses façons et sa tournure . Son républicanisme emprunté lui donnait momentanément cette âpreté janséniste que prennent les défenseurs de la cause populaire desquels il se moquait intérieurement , et qui n' est pas sans charme aux yeux des femmes .
Les femmes aiment à faire des prodiges , à briser les rochers , à fondre les caractères qui paraissent être de bronze . La toilette du moral était donc alors chez Raoul en harmonie avec son vêtement .
Il devait être et fut , pour l' Eve ennuyée de son paradis de la rue du Rocher , le serpent chatoyant , coloré , beau diseur , aux yeux magnétiques , aux mouvements harmonieux , qui perdit la première femme .
Dès que la comtesse Marie aperçut Raoul , elle éprouva ce mouvement intérieur dont la violence cause une sorte d' effroi . Ce prétendu grand homme eut sur elle par son regard une influence physique qui rayonna jusque dans son coeur en le troublant .
Ce trouble lui fit plaisir . Ce manteau de pourpre que la célébrité drapait pour un moment sur les épaules de Nathan éblouit cette femme ingénue .
à l' heure du thé , Marie quitta la place où , parmi quelques femmes occupées à causer , elle s' était tue en voyant cet être extraordinaire . Ce silence avait été remarqué par ses fausses amies .
La comtesse s' approcha du divan carré placé au milieu du salon où pérorait Raoul .

UNE FILLE D EVE (II, privé)
Page: 306