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Quand elle n' allait pas à des raouts diplomatiques ou au bal chez quelques riches étrangers , comme lady Dudley ou la princesse Galathionne , la comtesse allait presque tous les soirs dans le monde , après les Italiens ou l' Opéra , soit chez la marquise d' Espard , soit chez Mme de Listomère , Mlle des Touches , la comtesse de Montcornet ou la vicomtesse de Grandlieu , les seules maisons aristocratiques ouvertes ; et jamais elle n' en sortait sans que de mauvaises graines n' eussent été semées dans son coeur .
On lui parlait de compléter sa vie , un mot à la mode dans ce temps - là ; d' être comprise , autre mot auquel les femmes donnent d' étranges significations .
Elle revenait chez elle inquiète , émue , curieuse , pensive . Elle trouvait je ne sais quoi de moins dans sa vie , mais elle n' allait pas jusqu' à la voir déserte .
La société la plus amusante , mais la plus mêlée , des salons où allait Mme Félix de Vandenesse , se trouvait chez la comtesse de Montcornet , charmante petite femme qui recevait les artistes illustres , les sommités de la finance , les écrivains distingués , mais après les avoir soumis à un si sévère examen , que les plus difficiles en fait de bonne compagnie n' avaient pas à craindre d' y rencontrer qui que ce soit de la société secondaire .
Les plus grandes prétentions y étaient en sûreté .
Pendant l' hiver , où la société s' était ralliée , quelques salons , au nombre desquels étaient ceux de Mmes d' Espard et de Listomère , de Mlle des Touches et de la duchesse de Grandlieu , avaient recruté parmi les célébrités nouvelles de l' art , de la science , de la littérature et de la politique .
La société ne perd jamais ses droits , elle veut toujours être amusée .
à un concert donné par la comtesse vers la fin de l' hiver , apparut chez elle une des illustrations contemporaines de la littérature et de la politique , Raoul Nathan , présenté par un des écrivains les plus spirituels mais les plus paresseux de l' époque , Émile Blondet , autre homme célèbre , mais à huis clos ; vanté par les journalistes , mais inconnu au - delà des barrières : Blondet le savait ; d' ailleurs , il ne se faisait aucune illusion , et entre autres paroles de mépris , il a dit que la gloire est un poison bon à prendre par petites doses .
Depuis le moment où il s' était fait jour après avoir longtemps lutté , Raoul Nathan avait profité du subit engouement que manifestèrent pour la forme ces élégants sectaires du moyen âge , si plaisamment nommés Jeune - France .

UNE FILLE D EVE (II, privé)
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