----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Après avoir ainsi jugé sainement sa position , il se cantonna dans ses quartiers conjugaux avec d' amples provisions . L' indulgence et la confiance furent les deux ancres sur lesquelles il s' amarra . Les mères de famille devraient rechercher de pareils hommes pour leurs filles : l' Esprit est protecteur comme la Divinité , le Désenchantement est perspicace comme un chirurgien , l' Expérience est prévoyante comme une mère .
Ces trois sentiments sont les vertus théologales du mariage . Les recherches , les délices que ses habitudes d' homme à bonnes fortunes et d' homme élégant avaient apprises à Félix de Vandenesse , les enseignements de la haute politique , les observations de sa vie tour à tour occupée , pensive , littéraire , toutes ses forces furent employées à rendre sa femme heureuse , et il y appliqua son esprit .
Au sortir du purgatoire maternel , Marie - Angélique monta tout à coup au paradis conjugal que lui avait élevé Félix , rue du Rocher , dans un hôtel où les moindres choses avaient un parfum d' aristocratie , mais où le vernis de la bonne compagnie ne gênait pas cet harmonieux laisser - aller que souhaitent les coeurs aimants et jeunes .
Marie - Angélique savoura d' abord les jouissances de la vie matérielle dans leur entier , son mari se fit pendant deux ans son intendant .
Félix expliqua lentement et avec beaucoup d' art à sa femme les choses de la vie , l' initia par degrés aux mystères de la haute société , lui apprit les généalogies de toutes les maisons nobles , lui enseigna le monde , la guida dans l' art de la toilette et de la conversation , la mena de théâtre en théâtre , lui fit faire un cours de littérature et d' histoire .
Il acheva cette éducation avec un soin d' amant , de père , de maître et de mari ; mais avec une sobriété bien entendue , il ménageait les jouissances et les leçons , sans détruire les idées religieuses .
Enfin , il s' acquitta de son entreprise en grand maître .
Au bout de quatre années , il eut le bonheur d' avoir formé dans la comtesse de Vandenesse une des femmes les plus aimables et les plus remarquables du temps actuel .
Marie - Angélique éprouva précisément pour Félix le sentiment que Félix souhaitait de lui inspirer : une amitié vraie , une reconnaissance bien sentie , un amour fraternel qui se mélangeait à propos de tendresse noble et digne comme elle doit être entre mari et femme .
Elle était mère , et bonne mère .
Félix s' attachait donc sa femme par tous les liens possibles sans avoir l' air de la garrotter , comptant pour être heureux sans nuage sur les attraits de l' habitude .

UNE FILLE D EVE (II, privé)
Page: 292