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Au milieu de toutes ces reliques , Mme Saillard habitait une bergère d' acajou moderne , les pieds sur une chaufferette brûlée à chaque trou , près d' une cheminée pleine de cendres et sans feu , sur laquelle se voyaient un cartel , des bronzes antiques , des candélabres à fleurs , mais sans bougies , car elle s' éclairait avec un martinet en cuivre d' où s' élevait une haute chandelle cannelée par différents coulages . Mme Saillard montrait un visage où , malgré ses rides , se peignaient l' entêtement et la sévérité , l' étroitesse de ses idées , une probité quadrangulaire , une religion sans pitié , une avarice naïve et la paix d' une conscience nette .
Dans certains tableaux flamands vous voyez des femmes de bourgmestres ainsi composées par la nature et bien reproduites par le pinceau , mais elles ont de belles robes en velours ou d' étoffes précieuses , tandis que Mme Saillard n' avait pas de robes , mais ce vêtement antique nommé , dans la Touraine et dans la Picardie , des cottes , ou plus généralement en France , des cotillons , espèce de jupes plissées derrière et sur les côtés , mises les unes sur les autres .
Son corsage était serré dans un casaquin , autre mode d' un autre âge ! Elle conservait le bonnet à papillon et les souliers à talons hauts .
Quoiqu' elle eût cinquante - sept ans et que ses travaux obstinés au sein du ménage lui permissent bien de se reposer , elle tricotait les bas de son mari , les siens et ceux d' un oncle , comme tricotent les femmes de la campagne , en marchant , en parlant , en se promenant dans le jardin , en allant voir ce qui se passait à sa cuisine .
D' abord infligée par la nécessité , l' avarice des Saillard était devenue une habitude . Au retour du bureau , le caissier mettait habit bas , il faisait lui - même le beau jardin fermé sur la cour par une grille , et qu' il s' était réservé .
Pendant longtemps , Élisabeth était allée le matin au marché avec sa mère , et toutes deux suffisaient aux soins du ménage . La mère cuisait admirablement un canard aux navets ; mais , selon le père Saillard , Élisabeth n' avait pas sa pareille pour savoir accommoder aux oignons les restes d' un gigot .
" C' était à manger son oncle sans s' en apercevoir . " Aussitôt qu' Élisabeth avait su tenir une aiguille , sa mère lui avait fait raccommoder le linge de la maison et les habits de son père .
Sans cesse occupée comme une servante , elle ne sortait jamais seule . Quoique demeurant à deux pas du boulevard du Temple , où se trouvent Franconi , la Gaîté , l' Ambigu - Comique , et plus loin la Porte Saint - Martin , Élisabeth n' était jamais allée à la comédie .
Quand elle eut la fantaisie de voir ce que c' était , avec la permission de M .
LES EMPLOYES (VII, paris)
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