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- Écoutez , mon cher ange , dit Mme de La Chanterie , qui prononça ces trois mots avec une douce sainteté dont fut singulièrement touché Godefroid , nous nous sommes interdit , mais absolument , nous ne forçons point les mots ici . Ce qui est interdit n' occupe pas même notre pensée ... Donc nous nous sommes interdit d' entrer dans les spéculations . Imprimer un livre pour le vendre , en attendre des bénéfices , c' est une affaire , et les opérations de ce genre nous jetteraient dans les embarras du commerce .
Certes , ceci me semble assez faisable , nécessaire même . Croyez - vous que ce soit le premier cas qui se présente ? Nous avons vingt fois , cent fois aperçu le moyen de sauver ainsi des familles , des maisons ! Or , que serions - nous devenus avec des affaires de ce genre ? Nous aurions été négociants ... Commanditer le malheur , ce n' est pas travailler soi - même , c' est mettre le malheur à même de travailler .
Dans quelques jours vous rencontrerez des misères plus âpres que celle - ci , ferez - vous la même chose ? Vous seriez accablé ! Songez , mon enfant , que MM .
Mongenod ne peuvent plus , depuis un an , se charger de notre comptabilité .
Vous aurez la moitié de votre temps pris par la tenue de nos livres .
Nous avons aujourd' hui près de deux mille débiteurs dans Paris ; et au moins faut - il que , pour ceux qui peuvent nous rendre , nous sachions le chiffre de leur dette ... Nous ne demandons jamais , nous attendons .
Nous calculons que la moitié de l' argent donné se perd . L' autre moitié nous revient quelquefois doublée ... Ainsi , supposez que ce magistrat meure , voilà douze mille francs bien aventurés .
Mais que sa fille soit guérie , que son petit - fils réussisse , et qu' il devienne un jour magistrat ... eh bien , s' il a de l' honneur , il se souviendra de la dette , et il nous rendra l' argent des pauvres avec usure .

ENVERS DE L HISTOIRE (VIII, paris)
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