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" Ce soir , monsieur Godefroid , ma fille a reçu de l' annonce de votre visite une telle excitation , que tous les phénomènes bizarres de sa maladie qui , depuis douze jours , faisaient notre désespoir , ont complètement disparu ... Jugez si je vous ai de la reconnaissance .
- Et moi donc ? ... s' écria la malade d' un son de voix câlin et en penchant la tête par un mouvement plein de coquetterie . Monsieur est pour moi le député du monde ëø Depuis l' âge de vingt ans , monsieur , je n' ai plus su ce que c' était qu' un salon , une soirée , un bal ... Et notez que j' aime la danse , que je raffole du spectacle , et surtout de musique .
Je devine tout par la pensée ! Je lis beaucoup . Puis mon père me raconte les choses du monde ... "
En entendant ce mot , Godefroid fit un mouvement comme pour plier un genou devant ce pauvre vieillard .
" Oui , quand il va aux Italiens , il y va souvent , il me dépeint les toilettes , il me décrit les effets du chant . Oh ! je voudrais être guérie , d' abord pour mon père , qui vit uniquement pour moi , comme je vis par lui , pour lui ; pour mon fils , à qui je voudrais donner une autre mère ! Ah ! monsieur , quels êtres accomplis que mon vieux père ... que mon excellent fils ... mais aussi pour entendre Lablache , Rubini , Tamburini , la Grisi et I Puritani ... Mais ...
- Allons , mon enfant , du calme ! ... Si nous parlons musique , nous sommes perdus ! " dit le vieillard en souriant .
Il souriait , et ce sourire qui rajeunissait cette figure trompait toujours évidemment la malade .
" Tiens , je serai bien sage , dit Vanda d' un air mutin ; mais donne - moi l' accordéon ... "
On avait inventé dès ce temps cet instrument portatif qui pouvait , à la rigueur , se poser au bord du lit de la malade , et qui , pour donner les sons de l' orgue , n' exigeait que la pression du pied . Cet instrument , dans son plus grand développement , équivalait à un piano ; mais il coûtait alors trois cents francs .
La malade , qui lisait les journaux , les revues , connaissait l' existence de cet instrument et en souhaitait un depuis deux mois .
" Oui , madame , vous en aurez un , reprit Godefroid à un regard que lui lança le vieillard . Un de mes amis , qui part pour Alger , en a un superbe que je lui emprunterai ; car , avant de vous en acheter un , vous essaierez celui - là .

ENVERS DE L HISTOIRE (VIII, paris)
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