----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Dans cette pensée , il essaya de regarder par sa fenêtre dans le salon , mais la disposition des lieux ne lui permit pas d' y voir . Il descendit un étage et remonta vivement chez lui ; car il pensa que , d' après la rigidité des principes des habitants de la maison , un acte d' espionnage le ferait congédier aussitôt . Perdre l' estime de ces cinq personnes lui sembla tout aussi grave que de se déshonorer publiquement .
Il attendit environ trois quarts d' heure et résolut de surprendre Mme de La Chanterie , en devançant l' heure indiquée . Il inventa de se justifier par un mensonge , en disant que sa montre allait mal , et il l' avança de vingt minutes .
Puis , il descendit en ne faisant pas le moindre bruit . Il arriva jusqu' à la porte du salon et l' ouvrit brusquement .
Il vit alors un homme assez célèbre , jeune encore , un poète qu' il avait rencontré souvent dans le monde , Victor de Vernisset , un genou en terre devant Mme de La Chanterie et lui baisant le bas de sa robe .
Le ciel tombant en éclats , comme s' il eût été de cristal , comme le croyaient les anciens , eût moins surpris Godefroid que ce spectacle . Il lui vint les plus affreuses pensées , et il eut une réaction plus terrible encore quand , au premier sarcasme qu' il lui vint sur les lèvres , et qu' il allait prononcer , il vit dans un coin du salon M .
Alain comptant des billets de mille francs .
En un moment Vernisset fut sur ses deux pieds , et le bonhomme Alain resta saisi . Mme de La Chanterie , elle , lança sur Godefroid un regard qui le pétrifia , car la double expression du visage de son nouvel hôte ne lui avait pas échappé .
" Monsieur , dit - elle au jeune poète en lui montrant Godefroid , est un des nôtres ...
- Vous êtes bien heureux , mon cher , dit Vernisset , vous êtes sauvé ! Mais , madame , reprit - il en se tournant vers Mme de La Chanterie , quand tout Paris m' aurait vu , j' en serais heureux , rien ne peut m' acquitter envers vous ! ... Je vous suis acquis à jamais ! je vous appartiens entièrement .
Commandez - moi quoi que ce soit , j' obéirai ! Ma reconnaissance sera sans bornes . Je vous dois la vie , elle est à vous ...
- Allons , dit le bon Alain , jeune homme , soyez sage ; seulement , travaillez , et surtout n' attaquez jamais la Religion dans vos oeuvres ... Enfin , souvenez - vous de votre dette ! "

ENVERS DE L HISTOIRE (VIII, paris)
Page: 253