----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

- N' en envoyez pas , répondit le bonhomme , il y en a déjà suffisamment . Nous sommes trop bons amis pour que je ne vous évite pas une perte de temps .
- Mais l' or y vaut treize francs cinquante centimes .
- Dites donc valait .
- D' où diable en serait - il venu ?
- Je suis allé cette nuit à Angers " , lui répondit Grandet à voix basse .
Le banquier tressaillit de surprise . Puis une conversation s' établit entre eux d' oreille à oreille , pendant laquelle des Grassins et Grandet regardèrent Charles à plusieurs reprises . Au moment où sans doute l' ancien tonnelier dit au banquier de lui acheter cent mille livres de rente , des Grassins laissa derechef échapper un geste d' étonnement .
" Monsieur Grandet , dit - il à Charles , je pars pour Paris ; et , si vous aviez des commissions à me donner ...
- Aucune , monsieur . Je vous remercie , répondit Charles .
- Remerciez - le mieux que ça , mon neveu . Monsieur va pour arranger les affaires de la maison Guillaume Grandet .
- Y aurait - il donc quelque espoir , demanda Charles .
- Mais , s' écria le tonnelier avec un orgueil bien joué , n' êtes - vous pas mon neveu ? votre honneur est le nôtre . Ne vous nommez - vous pas Grandet ? "
Charles se leva , saisit le père Grandet , l' embrassa pâlit et sortit . Eugénie contemplait son père avec admiration .
" Allons , adieu , mon bon des Grassins , tout à vous et emboisez - moi bien ces gens - là ! " Les deux diplomates se donnèrent une poignée de main , l' ancien tonnelier reconduisit le banquier jusqu' à la porte , puis , après l' avoir fermée , il revint et dit à Nanon en se plongeant dans son fauteuil : " Donne - moi du cassis ? " Mais trop ému pour rester en place , il se leva , regarda le portrait de M .
de La Bertellière et se mit à chanter en faisant ce que Nanon appelait des pas de danse :
Dans les gardes françaises
J' avais un bon papa .
EUGENIE GRANDET (III, provinc)
Page:1133