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Le père Grandet avait logé son neveu au second étage , dans la haute mansarde située au - dessus de sa chambre , de manière à pouvoir l' entendre , s' il lui prenait fantaisie d' aller et de venir . Quand Eugénie et sa mère arrivèrent au milieu du palier , elles se donnèrent le baiser du soir ; puis , après avoir dit à Charles quelques mots d' adieu , froids sur les lèvres , mais certes chaleureux au coeur de la fille , elles rentrèrent dans leurs chambres .
" Vous voilà chez vous , mon neveu , dit le père Grandet à Charles en lui ouvrant sa porte . Si vous aviez besoin de sortir , vous appelleriez Nanon . Sans elle , votre serviteur ! le chien vous mangerait sans vous dire un seul mot .
Dormez bien . Bonsoir . Ha ! ha ! ces dames vous ont fait du feu " , reprit - il . En ce moment la grande Nanon apparut , armée d' une bassinoire . " En voilà bien d' une autre ! dit M . Grandet .
Prenez - vous mon neveu pour une femme en couches ? Veux - tu bien remporter ta braise , Nanon .
- Mais , monsieur , les draps sont humides , et ce monsieur est vraiment mignon comme une femme .
- Allons , va , puisque tu l' as dans la tête , dit Grandet en la poussant par les épaules , mais prends garde de mettre le feu . " Puis l' avare descendit en grommelant de vagues paroles .
Charles demeura pantois au milieu de ses malles . Après avoir jeté les yeux sur les murs d' une chambre en mansarde tendue de ce papier jaune à bouquets de fleurs qui tapisse les guinguettes , sur une cheminée en pierre de liais cannelée dont le seul aspect donnait froid , sur des chaises de bois jaune garnies en canne vernissée et qui semblaient avoir plus de quatre angles , sur une table de nuit ouverte dans laquelle aurait pu tenir un petit sergent de voltigeurs , sur le maigre tapis de lisière placé au bas d' un lit à ciel dont les pentes en drap tremblaient comme si elles allaient tomber , achevées par les vers , il regarda sérieusement la grande Nanon et lui dit : " Ah çà ! ma chère enfant , suis - je bien chez M .
Grandet , l' ancien maire de Saumur , frère de M .
Grandet de Paris ?
- Oui , monsieur , chez un ben aimable , un ben doux , un ben parfait monsieur . Faut - il que je vous aide à défaire vos malles ?
- Ma foi , je le veux bien , mon vieux troupier ! N' avez - vous pas servi dans les marins de la garde impériale ?
- Oh ! oh ! oh ! oh ! dit Nanon , quoi que c' est que ça , les marins de la garde ? C' est - y salé ? ça va - t - il sur I' eau ?
EUGENIE GRANDET (III, provinc)
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