----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

" Elle aimait être prise pour la maîtresse du château . Dans les villages , elle se plaisait à protéger les gens , comme aurait fait une grande dame . L' influence de son mari sur le comte , démontrée par tant de preuves , empêchait la petite bourgeoisie de se moquer de Mme Moreau , qui , aux yeux des paysans , paraissait un personnage .
Estelle ( elle se nommait Estelle ) ne se mêlait pas plus d' ailleurs de la régie qu' une femme d' agent de change ne se mêle des affaires de Bourse ; elle se reposait même sur son mari des soins du ménage , de la fortune .
Confiante en ses moyens , elle était à mille lieues de soupçonner que cette charmante existence , qui durait depuis dix - sept ans , pût jamais être menacée ; cependant , en apprenant la résolution du comte relativement à la restauration du magnifique château de Presles , elle s' était sentie attaquée dans toutes ses jouissances , et avait déterminé son mari à s' entendre avec Léger , afin de pouvoir se retirer à L' Isle - Adam .
Elle eût trop souffert de se retrouver dans une dépendance quasi domestique en présence de son ancienne maîtresse qui se serait moquée d' elle en la voyant établie au pavillon de manière à singer l' existence d' une femme comme il faut .
Le sujet de la profonde inimitié qui régnait entre les Reybert et les Moreau provenait d' une blessure faite par Mme de Reybert à Mme Moreau , par suite d' une première pointillerie que s' était permise la femme du régisseur à l' arrivée des Reybert , afin de ne pas laisser entamer sa suprématie par une femme née de Corroy .
Mme de Reybert avait rappelé , peut - être appris à toute la contrée la première condition de Mme Moreau .
Le mot femme de chambre ! vola de bouche en bouche . Les envieux que les Moreau devaient avoir à Beaumont , à L' Isle - Adam , à Maffliers , à Champagne , à Nerville , à Chauvry , à Baillet , à Moisselles glosèrent si bien que plus d' une flammèche de cet incendie tomba sur le ménage Moreau .
Depuis quatre ans , les Reybert , excommuniés par la belle régisseuse , se voyaient en butte à tant d' animadversion de la part des adhérents de Moreau , que leur position dans le pays n' eût pas été tenable sans la pensée de vengeance qui les avait soutenus jusqu' à ce jour .

DEBUT DANS LA VIE (I, privé)
Page: 812