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La différence entre l' autre voiture et celle - ci consistait en ce que la seconde était montée sur quatre roues . Cette voiture , de construction bizarre , appelée la voiture à quatre roues , admettait dix - sept voyageurs , et n' en devait contenir que quatorze . Elle faisait un bruit si considérable , que souvent à L' Isle - Adam on disait : " Voilà Pierrotin ! " quand il sortait de la forêt qui s' étale sur le coteau de la vallée . Elle était divisée en deux lobes , dont le premier , nommé l' intérieur , contenait six voyageurs sur deux banquettes , et le second , espèce de cabriolet ménagé sur le devant , s' appelait un coupé .
Ce coupé fermait par un vitrage incommode et bizarre dont la description prendrait trop d' espace pour qu' il soit possible d' en parler .
La voiture à quatre roues était surmontée d' une impériale à capote sous laquelle Pierrotin fourrait six voyageurs , et dont la clôture s' opérait par des rideaux de cuir .
Pierrotin s' asseyait sur un siège presque invisible , ménagé dessous le vitrage du coupé . Le messager de L' Isle - Adam ne payait les contributions auxquelles sont soumises les voitures publiques que sur son coucou présenté comme tenant six voyageurs et il prenait un permis toutes les fois qu' il faisait rouler sa voiture à quatre roues .
Ceci peut paraître extraordinaire aujourd' hui , mais dans ses commencements , l' impôt sur les voitures , assis avec une sorte de timidité , permit aux messagers ces petites tromperies qui les rendaient assez contents de faire la queue aux employés , selon un mot de leur vocabulaire .
Insensiblement le Fisc affamé devint sévère , il força les voitures à ne plus rouler sans porter le double timbre qui maintenant annonce qu' elles sont jaugées et que leurs contributions sont acquittées .
Tout a son temps d' innocence , même le Fisc ; mais vers la fin de 1822 , ce temps durait encore .
Souvent , l' été , la voiture à quatre roues et le cabriolet allaient de concert sur la route , emmenant trente - deux voyageurs , et Pierrotin ne payait de taxe que sur six .
Dans ces jours fortunés , le convoi parti à quatre heures et demie du faubourg Saint - Denis arrivait bravement à dix heures du soir à L' Isle - Adam .
Aussi , fier de son service , qui nécessitait un louage de chevaux extraordinaire , Pierrotin disait - il : " Nous avons joliment marché ! " Pour pouvoir faire neuf lieues en cinq heures dans cet attirail , il supprimait alors les stations que les cochers font , sur cette route , à Saint - Brice , à Moisselles et à La Cave .

DEBUT DANS LA VIE (I, privé)
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