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Sur - le - champ , son plan fut fait et adopté . S' ouvrir un passage par la fenêtre de ce parloir qui en éclairait la partie affectée aux carmélites , pénétrer dans les corridors , voir si les noms étaient inscrits sur chaque cellule , aller à celle de la soeur Thérèse , y surprendre et baillonner la religieuse pendant son sommeil , la lier et l' enlever , toutes ces parties du programme étaient faciles pour des hommes qui , à l' audace , à l' adresse des forçats , joignaient les connaissances particulières aux gens du monde , et auxquels il était indifférent de donner un coup de poignard pour acheter le silence .
La grille de la fenêtre fut sciée en deux heures . Trois hommes se mirent en faction au - dehors , et deux autres restèrent dans le parloir . Le reste , pieds nus , se posta de distance en distance à travers le cloître où s' engagea Montriveau , caché derrière un jeune homme , le plus adroit d' entre eux , Henri de Marsay , qui , par prudence , s' était vêtu d' un costume de carmélite absolument semblable à celui du couvent .
L' horloge sonna trois heures quand la fausse religieuse et Montriveau parvinrent au dortoir .
Ils eurent bientôt reconnu la situation des cellules . Puis , n' entendant aucun bruit , ils lurent , à l' aide d' une lanterne sourde , les noms heureusement écrits sur chaque porte , et accompagnés de ces devises mystiques , de ces portraits de saints ou de saintes que chaque religieuse inscrit en forme d' épigraphe sur le nouveau rôle de sa vie , et où elle révèle sa dernière pensée .
Arrivé a la cellule de la soeur Thérèse , Montriveau lut cette inscription : Sub invocatione sanctae matris Tberesae ! La devise était : Adoremus in aeternum .
Tout à coup son compagnon lui mit la main sur l' épaule , et lui fit voir une vive lueur qui éclairait les dalles du corridor par la fente de la porte .
En ce moment , M .
de Ronquerolles les rejoignit .
" Toutes les religieuses sont à l' église et commencent l' office des morts , dit - il .
- Je reste , répondit Montriveau ; repliez - vous dans le parloir , et fermez la porte de ce corridor . "
Il entra vivement en se faisant précéder de la fausse religieuse , qui rabattit son voile . Ils virent alors , dans l' antichambre de la cellule , la duchesse morte , posée à terre sur la planche de son lit , et éclairée par deux cierges .
Ni Montriveau ni de Marsay ne dirent une parole , ne jetèrent un cri ; mais ils se regardèrent . Puis le général fit un geste qui voulait dire : " Emportons - la . "
" Sauvez - vous , cria Ronquerolles , la procession des religieuses se met en marche , vous allez être surpris . "

DUCHESSE DE LANGEAIS (V, paris)
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