----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Que M . de Montriveau vous quitte ! Mon Dieu , chère nièce , ne nous colérons point , un homme ne vous abandonnera pas jeune et belle ; cependant nous avons vu tant de jolies femmes délaissées , même parmi les princesses , que vous me permettrez une supposition presque impossible , je veux le croire ; alors que deviendrez - vous sans mari ? Ménagez donc le vôtre au même titre que vous soignez votre beauté , qui est après tout le parachute des femmes , aussi bien qu' un mari .
Je vous fais toujours heureuse et aimée ; je ne tiens compte d' aucun événement malheureux . Cela étant , par bonheur ou par malheur vous aurez des enfants ? Qu' en ferez - vous ? Des Montriveau ? Hé bien , ils ne succéderont point à toute la fortune de leur père .
Vous voudrez leur donner toute la vôtre et lui toute la sienne .
Mon Dieu , rien n' est plus naturel . Vous trouverez les lois contre vous . Combien avons - nous vu de procès faits par les héritiers légitimes aux enfants de l' amour ! J' en entends retentir dans tous les tribunaux du monde .
Aurez - vous recours à quelque fidéicommis : si la personne en qui vous mettrez votre confiance vous trompe , à la vérité la justice humaine n' en saura rien ; mais vos enfants seront ruinés .
Choisissez donc bien ! Voyez en quelles perplexités vous êtes . De toute manière vos enfants seront nécessairement sacrifiés aux fantaisies de votre coeur et privés de leur état .
Mon Dieu , tant qu' ils seront petits , ils seront charmants ; mais ils vous reprocheront un jour d' avoir songé plus à vous qu' à eux . Nous savons tout cela , nous autres vieux gentilshommes . Les enfants deviennent des hommes , et les hommes sont ingrats .
N' ai - je pas entendu le jeune de Horn , en Allemagne , disant après souper : " Si ma mère avait été honnête femme , je serais prince régnant . " Mais ce SI , nous avons passé notre vie à l' entendre dire aux roturiers , et il a fait la révolution .
Quand les hommes ne peuvent accuser ni leur père , ni leur mère , ils s' en prennent à Dieu de leur mauvais sort .
En somme , chère enfant , nous sommes ici pour vous éclairer . Hé bien , je me résume par un mot que vous devez méditer : une femme ne doit jamais donner raison à son mari .
- Mon oncle , j' ai calculé tant que je n' aimais pas . Alors je voyais comme vous des intérêts là où il n' y a plus pour moi que des sentiments , dit la duchesse .

DUCHESSE DE LANGEAIS (V, paris)
Page:1018