----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Armand , sûr de la probité en en entendant le cri , guida la duchesse qui , fidèle à sa parole , se fit noblement aveugle ; mais , en la tenant paternellement par la main pour la faire tantôt monter , tantôt descendre , Montriveau étudia les vives palpitations qui agitaient le coeur de cette femme si promptement envahie par un amour vrai .
Mme de Langeais , heureuse de pouvoir lui parler ainsi , se plut à lui tout dire , mais il demeura inflexible ; et quand la main de la duchesse l' interrogeait , la sienne restait muette .
Enfin , après avoir cheminé pendant quelque temps ensemble , Armand lui dit d' avancer , elle avança , et s' aperçut qu' il empêchait la robe d' effleurer les parois d' une ouverture sans doute étroite .
Mme de Langeais fut touchée de ce soin , il trahissait encore un peu d' amour ; mais ce fut en quelque sorte l' adieu de Montriveau , car il la quitta sans lui dire un mot .
En se sentant dans une chaude atmosphère , la duchesse ouvrit les yeux . Elle se vit seule devant la cheminée du boudoir de la comtesse de Sérizy . Son premier soin fut de réparer le désordre de sa toilette ; elle eut promptement rajusté sa robe et rétabli la poésie de sa coiffure .
" Eh bien , ma chère Antoinette , nous vous cherchons partout , dit la comtesse en ouvrant la porte du boudoir .
- Je suis venue respirer ici , dit - elle , il fait dans les salons une chaleur insupportable .
- L' on vous croyait partie ; mais mon frère Ronquerolles m' a dit avoir vu vos gens qui vous attendent .
- Je suis brisée , ma chère , laissez - moi un moment me reposer ici . "
Et la duchesse s' assit sur le divan de son amie .
" Qu' avez - vous donc ? vous êtes toute tremblante . "
Le marquis de Ronquerolles entra .
" J' ai peur , madame la duchesse , qu' il ne vous arrive quelque accident . Je viens de voir votre cocher gris comme les Vingt - Deux Cantons . "
La duchesse ne répondit pas , elle regardait la cheminée , les glaces , en y cherchant les traces de son passage ; puis , elle éprouvait une sensation extraordinaire à se voir au milieu des joies du bal après la terrible scène qui venait de donner à sa vie un autre cours .
Elle se prit à trembler violemment .

DUCHESSE DE LANGEAIS (V, paris)
Page:1001