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- Le hasard , Armand , dit - elle en faisant un de ces jolis gestes de tête qui semblent pleins de choses et que ces sortes de femmes jettent à la légère , comme une cantatrice joue avec sa voix . Le pur hasard , reprit - elle . Sachez - le bien : s' il arrivait , par votre faute , quelque malheur à M . de Langeais , je ne serais jamais à vous . " Ils se séparèrent contents l' un et l' autre . La duchesse avait fait un pacte qui lui permettait de prouver au monde , par ses paroles et ses actions , que M .
de Montriveau n' était point son amant . Quant à lui , la rusée se promettait bien de le lasser en ne lui accordant d' autres faveurs que celles surprises dans ces petites luttes dont elle arrêtait le cours à son gré .
Elle savait si joliment le lendemain révoquer les concessions consenties la veille , elle était si sérieusement déterminée à rester physiquement vertueuse , qu' elle ne voyait aucun danger pour elle à des préliminaires redoutables seulement aux femmes bien éprises .
Enfin , une duchesse séparée de son mari offrait peu de chose à l' amour , en lui sacrifiant un mariage annulé depuis longtemps .
De son côté , Montriveau , tout heureux d' obtenir la plus vague des promesses , et d' écarter à jamais les objections qu' une épouse puise dans la foi conjugale pour se refuser à l' amour , s' applaudissait d' avoir conquis encore un peu plus de terrain .
Aussi , pendant quelque temps , abusa - t - il des droits d' usufruit qui lui avaient été si difficilement octroyés . Plus enfant qu' il ne l' avait jamais été , cet homme se laissait aller à tous les enfantillages qui font du premier amour la fleur de la vie .
Il redevenait petit en répandant et son âme et toutes les forces trompées que lui communiquait sa passion sur les mains de cette femme , sur ses cheveux blonds dont il baisait les boucles floconneuses , sur ce front éclatant qu' il voyait pur .
Inondée d' amour , vaincue par les effluves magnétiques d' un sentiment si chaud , la duchesse hésitait à faire naître la querelle qui devait les séparer à jamais .
Elle était plus femme qu' elle ne le croyait , cette chétive créature , en essayant de concilier les exigences de la religion avec les vivaces émotions de vanité , avec les semblants de plaisir dont s' affolent les Parisiennes .
Chaque dimanche elle entendait la messe , ne manquait pas un office ; puis , le soir , elle se plongeait dans les enivrantes voluptés que procurent des désirs sans cesse réprimés .
Armand et Mme de Langeais ressemblaient à ces fakirs de l' Inde qui sont récompensés de leur chasteté par les tentations qu' elle leur donne .

DUCHESSE DE LANGEAIS (V, paris)
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