----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Un seul fait fera comprendre ses souffrances . Pendant quelques jours les enfants du cheikh de la tribu dont il était l' esclave s' amusèrent à prendre sa tête pour but dans un jeu qui consistait à jeter d' assez loin des osselets de cheval , et à les y faire tenir . Montriveau revint à Paris vers le milieu de l' année 1818 , il s' y trouva ruiné , sans protecteurs , et n' en voulant pas .
Il serait mort vingt fois avant de solliciter quoi que ce fût , même la reconnaissance de ses droits acquis . L' adversité , ses douleurs avaient développé son énergie jusque dans les petites choses , et l' habitude de conserver sa dignité d' homme en face de cet être moral que nous nommons la conscience donnait pour lui du prix aux actes en apparence les plus indifférents .
Cependant ses rapports avec les principaux savants de Paris et quelques militaires instruits firent connaître et son mérite et ses aventures .
Les particularités de son évasion et de sa captivité , celles de son voyage attestaient tant de sang - froid , d' esprit et de courage , qu' il acquit , sans le savoir , cette célébrité passagère dont les salons de Paris sont si prodigues , mais qui demande des efforts inouïs aux artistes quand ils veulent la perpétuer .
Vers la fin de cette année , sa position changea subitement .
De pauvre , il devint riche , ou du moins il eut extérieurement tous les avantages de la richesse .
Le gouvernement royal , qui cherchait à s' attacher les hommes de mérite afin de donner de la force à l' armée , fit alors quelques concessions aux anciens officiers dont la loyauté et le caractère connu offraient des garanties de fidélité .
M . de Montriveau fut rétabli sur les cadres , dans son grade , reçut sa solde arriérée et fut admis dans la Garde royale .
Ces faveurs arrivèrent successivement au marquis de Montriveau sans qu' il eût fait la moindre demande . Des amis lui épargnèrent les démarches personnelles auxquelles il se serait refusé . Puis , contrairement à ses habitudes , qui se modifièrent tout à coup , il alla dans le monde , où il fut accueilli favorablement , et où il rencontra partout les témoignages d' une haute estime .
Il semblait avoir trouvé quelque dénouement pour sa vie , mais chez lui tout se passait en l' homme , il n' y avait rien d' extérieur .

DUCHESSE DE LANGEAIS (V, paris)
Page: 943