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Elle était coquette , aimable , séduisante jusqu' à la fin de la fête , du bal , de la soirée ; puis , le rideau tombé , elle se retrouvait seule , froide , insouciante , et néanmoins revivait le lendemain pour d' autres émotions également superficielles . Il y avait deux ou trois jeunes gens complètement abusés qui l' aimaient véritablement , et dont elle se moquait avec une parfaite insensibilité . Elle se disait : " Je suis aimée , il m' aime ! " Cette certitude lui suffisait .
Semblable à l' avare satisfait de savoir que ses caprices peuvent être exaucés , elle n' allait peut - être même plus jusqu' au désir .
Un soir elle se trouva chez une de ses amies intimes , Mme la vicomtesse de Fontaine , une de ses humbles rivales qui la haïssaient cordialement et l' accompagnaient toujours : espèce d' amitié armée dont chacun se défie , et où les confidences sont habilement discrètes , quelquefois perfides .
Après avoir distribué de petits saluts protecteurs , affectueux ou dédaigneux de l' air naturel à la femme qui connaît toute la valeur de ses sourires , ses yeux tombèrent sur un homme qui lui était complètement inconnu , mais dont la physionomie large et grave la surprit .
Elle sentit en le voyant une émotion assez semblable à celle de la peur .
" Ma chère , demanda - t - elle à Mme de Maufrigneuse , quel est ce nouveau venu ?
- Un homme dont vous avez sans doute entendu parler , le marquis de Montriveau .
- Ah ! c' est lui . "
Elle prit son lorgnon et l' examina fort impertinemment , comme elle eût fait d' un portrait qui reçoit des regards et n' en rend pas .
" Présentez - le - moi donc , il doit être amusant .
- Personne n' est plus ennuyeux ni plus sombre , ma chère , mais il est à la mode . "
M . Armand de Montriveau se trouvait en ce moment , sans le savoir , l' objet d' une curiosité générale , et le méritait plus qu' aucune de ces idoles passagères dont Paris a besoin et dont il s' amourache pour quelques jours , afin de satisfaire cette passion d' engouement et d' enthousiasme factice dont il est périodiquement travaillé .
Armand de Montriveau était le fils unique du général de Montriveau , un de ces ci - devant qui servirent noblement la République , et qui périt , tué près de Joubert , à Novi .
L' orphelin avait été placé par les soins de Bonaparte à l' école de Châlons , et mis , ainsi que plusieurs autres fils de généraux morts sur le champ de bataille , sous la protection de la République française .

DUCHESSE DE LANGEAIS (V, paris)
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