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Les familles de Langeais et de Navarreins restèrent dans la haute sphère de la cour , condamnées aux devoirs de l' étiquette ainsi qu' aux reproches et aux moqueries du libéralisme , accusées de se gorger d' honneurs et de richesses , tandis que leur patrimoine ne s' augmenta point , et que les libéralités de la Liste civile se consumèrent en frais de représentation , nécessaires à toute monarchie européenne , fût - elle même républicaine .
En 1818 , M . le duc de Langeais commandait une division militaire , et la duchesse avait , près d' une princesse , une place qui l' autorisait à demeurer à Paris , loin de son mari , sans scandale .
D' ailleurs , le duc avait , outre son commandement , une charge à la Cour , où il venait , en laissant , pendant son quartier , le commandement à un maréchal de camp .
Le duc et la duchesse vivaient donc entièrement séparés , de fait et de coeur , à l' insu du monde . Ce mariage de convention avait eu le sort assez habituel de ces pactes de famille .
Les deux caractères les plus antipathiques du monde s' étaient trouvés en présence , s' étaient froissés secrètement , secrètement blessés , désunis à jamais . Puis , chacun d' eux avait obéi à sa nature et aux convenances .
Le duc de Langeais , esprit aussi méthodique que pouvait l' être le chevalier de Folard , se livra méthodiquement à ses goûts , à ses plaisirs , et laissa sa femme libre de suivre les siens , après avoir reconnu chez elle un esprit éminemment orgueilleux , un coeur froid , une grande soumission aux usages du monde , une loyauté jeune , et qui devait rester pure sous les yeux des grands parents , à la lumière d' une cour prude et religieuse .
Il fit donc à froid le grand seigneur du siècle précédent , abandonnant à elle - même une femme de vingt - deux ans , offensée gravement , et qui avait dans le caractère une épouvantable qualité , celle de ne jamais pardonner une offense quand toutes ses vanités de femme , quand son amour - propre , ses vertus peut - être , avaient été méconnus , blessés occultement .
Quand un outrage est public , une femme aime à l' oublier , elle a des chances pour se grandir , elle est femme dans sa clémence ; mais les femmes n' absolvent jamais de secrètes offenses , parce qu' elles n' aiment ni les lâchetés , ni les vertus , ni les amours secrètes .

DUCHESSE DE LANGEAIS (V, paris)
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