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En tout temps , il portait les mêmes vêtements : de gros souliers huilés , des bas drapés , un pantalon de molleton gris à boucles , sans bretelles , un grand gilet de drap léger bleu de ciel à boutons en corne , et une redingote en molleton gris pareil à celui du pantalon ; il avait sur la tête une petite casquette en loutre ronde , et la gardait au logis .
En été il remplaçait cette casquette par une espèce de calotte en velours noir , et la redingote de molleton par une redingote en drap gris de fer .
Sa taille était de cinq pieds quatre pouces , il avait l' embonpoint des vieillards bien portants , ce qui alourdissait un peu sa démarche , déjà lente , comme celle de tous les gens de cabinet .
Dès le jour , ce bonhomme s' habillait en accomplissant les soins de toilette les plus minutieux ; il se rasait lui - même , puis il faisait le tour de son jardin , il regardait le temps , allait consulter son baromètre en ouvrant lui - même les volets de son salon .
Enfin il binait , il échenillait , il sarclait , il avait toujours quelque chose à faire , jusqu' au déjeuner .
Après son déjeuner , il restait assis à digérer jusqu' à deux heures , pensant on ne sait à quoi . Sa petite - fille venait presque toujours conduite par une domestique , quelquefois accompagnée de sa mère , le voir entre deux et cinq heures .
à certains jours , cette vie mécanique était interrompue , il y avait à recevoir les fermages et les revenus en nature aussitôt vendus . Mais ce petit trouble n' arrivait que les jours de marché , et une fois par mois .
Que devenait l' argent ? Personne , pas même Séverine et Cécile , ne le savait . Grévin était là - dessus d' une discrétion ecclésiastique .
Cependant tous les sentiments de ce vieillard avaient fini par se concentrer sur sa fille et sur sa petite - fille , il les aimait plus que son argent . Ce septuagénaire propret , à figure toute ronde , au front dégarni , aux yeux bleus et à cheveux blancs , avait quelque chose d' absolu dans le caractère , comme chez tous ceux à qui ni les hommes , ni les choses n' ont résisté .
Son seul défaut , extrêmement caché d' ailleurs , car il n' avait jamais eu occasion de le manifester , était une rancune persistante , terrible , une susceptibilité que Malin n' avait jamais heurtée .
Si Grévin avait toujours servi le comte de Gondreville , il l' avait toujours trouvé reconnaissant , jamais Malin n' avait ni humilié ni froissé son ami qu' il connaissait à fond .

LE DEPUTE D ARCIS (VIII, politi)
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