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L' Aube serpente dans le lointain entre des arbres épars ou serrés , grands ou petits , de divers feuillages , au gré des caprices des riverains .
La physionomie des maisons est si variée , qu' un voyageur y trouverait un spécimen des maisons de tous les pays . Ainsi , au nord , sur le bord du bassin , dans les eaux duquel s' ébattent des canards , il y a une maison quasiment méridionale dont le toit plie sous la tuilerie à gouttières en usage dans l' Italie , elle est flanquée d' un jardinet soutenu par un coin de quai , dans lequel il s' élève des vignes , une treille et deux ou trois arbres .
Elle rappelle quelques détails de Rome où , sur la rive du Tibre , quelques maisons offrent des aspects semblables .
En face , sur l' autre bord , est une grande maison à toit avancé , avec des galeries , qui ressemble à une maison suisse .
Pour compléter l' illusion , entre cette construction et le déversoir , on aperçoit une vaste prairie ornée de ses peupliers et que traverse une petite route sablonneuse .
Enfin , les constructions du château qui paraît , entouré de maisons si frêles , d' autant plus imposant , représente les splendeurs de l' aristocratie française .
Quoique les deux places du pont soient coupées par le chemin de Sézanne , une affreuse chaussée en mauvais état , et qu' elles soient l' endroit le plus vivant de la ville , car la Justice de paix et la mairie d' Arcis sont situées rue Vide - Bourse , un Parisien trouverait ce lieu prodigieusement champêtre et solitaire .
Ce paysage a tant de naïveté que , sur la place du Pont , en face de l' auberge de la Poste , vous voyez une pompe de ferme ; il s' en trouve bien une à peu près semblable dans la splendide cour du Louvre !
Rien n' explique mieux la vie de province que le silence profond dans lequel est ensevelie cette petite ville et qui règne dans son endroit le plus vivant . On doit facilement imaginer combien la présence d' un étranger , n' y passât - il qu' une demi - journée , y est inquiétante , avec quelle attention des visages se penchent à toutes les croisées pour l' observer , et dans quel état d' espionnage les habitants vivent les uns envers les autres .
La vie y devient si conventuelle , qu' à l' exception des dimanches et jours de fêtes , un étranger ne rencontre personne sur les boulevards , ni dans l' avenue des Soupirs , nulle part , pas même par les rues .

LE DEPUTE D ARCIS (VIII, politi)
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