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Pigoult , l' ex - patron du jeune Philéas , fournissait la matière première à ses ouvriers dans les campagnes . Au moment où il vendit sa maison de commerce au fils Beauvisage , il possédait une forte partie de cotons achetés en pleine hausse , tandis que de Lisbonne , on en introduisait des masses dans l' Empire à six sous le kilogramme , en vertu du fameux décret de l' Empereur . La réaction produite en France par l' introduction de ces cotons causa la mort de Pigoult , le père d' Achille , et commença la fortune de Philéas qui , loin de perdre la tête comme son patron , se fit un prix moyen en achetant du coton à bon marché , en quantité double de celle acquise par son prédécesseur .
Cette idée si simple permit à Philéas de tripler la fabrication , de se poser en bienfaiteur des ouvriers , et il put verser ses bonneteries dans Paris et en France , avec des bénéfices , quand les plus heureux vendaient à prix coûtant .
Au commencement de 1814 , Philéas avait vidé ses magasins . La perspective d' une guerre sur le territoire , et dont les malheurs devaient peser principalement sur la Champagne , le rendit prudent ; il ne fit rien fabriquer , et se tint prêt à tout événement avec ses capitaux réalisés en or .
à cette époque , les lignes de douanes étaient enfoncées . Napoléon n' avait pu se passer de ses trente mille douaniers pour sa lutte sur le territoire . Le coton introduit par mille trous faits à la haie de nos frontières se glissait sur tous les marchés de la France .
On ne se figure pas combien le coton fut fin et alerte à cette époque ! ni avec quelle avidité les Anglais s' emparèrent d' un pays où les bas de coton valaient six francs et où les chemises en percale étaient un objet de luxe ! Les fabricants du second ordre , les principaux ouvriers , comptant sur le génie de Napoléon , avaient acheté les cotons venus d' Espagne .
Ils travaillèrent dans l' espoir de faire la loi , plus tard , aux négociants de Paris .
Philéas observa ces faits . Puis quand la guerre ravagea la Champagne , il se tint entre l' armée française et Paris .
à chaque bataille perdue , il se présentait chez les ouvriers qui avaient enterré leurs produits dans des futailles , les silos de la bonneterie ; puis , l' or à la main , ce cosaque des bas achetait au - dessous du prix de fabrication , de village en village , les tonneaux de marchandises qui pouvaient du jour au lendemain devenir la proie d' un ennemi dont les pieds avaient autant besoin d' être chaussés que le gosier d' être humecté .

LE DEPUTE D ARCIS (VIII, politi)
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