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- Messieurs , si nous devons ... nous conformer ... aux usages parlementaires , dit Beauvisage soufflé par Simon , je prierai - l' honorable monsieur Pigoult - de venir parler - à la table que voici ... " Pigoult s' élança vers la table à thé , s' y tint debout , les doigts légèrement appuyés sur le bord , et fit preuve d' audace , en parlant sans gêne , à peu près comme parle l' illustre M . Thiers .
" Messieurs , ce n' est pas moi qui ai lancé la proposition d' imiter la Chambre ; car , jusqu' aujourd' hui , les Chambres m' ont paru véritablement inimitables ; néanmoins , j' ai très bien conçu qu' une assemblée de soixante et quelques notables champenois devait s' improviser un président , car aucun troupeau ne va sans berger .
Si nous avions voté au scrutin secret , je suis certain que le nom de notre estimable maire y aurait obtenu l' unanimité ; son opposition à la candidature soutenue par sa famille nous prouve qu' il possède le courage civil au plus haut degré , puisqu' il sait s' affranchir des liens les plus forts , ceux de la famille ! Mettre la patrie avant la famille , c' est un si grand effort , que nous sommes toujours forcés , pour y arriver , de nous dire que du haut de son tribunal , Brutus nous contemple , depuis deux mille cinq cents et quelques années .
Il semble naturel à Me Giguet , qui a eu le mérite de deviner nos sentiments relativement au choix d' un président , de nous guider encore pour celui des scrutateurs ; mais en appuyant mon observation vous avez pensé que c' était assez d' une fois , et vous avez eu raison ! Notre ami commun Simon Giguet , qui doit se présenter en candidat , aurait l' air de se présenter en maître , et pourrait alors perdre dans notre esprit les bénéfices de l' attitude modeste qu' a prise son vénérable père .
Or , que fait en ce moment notre digne président en acceptant la manière de présider que lui a proposée le candidat ? il nous ôte notre liberté ! Je vous le demande ? est - il convenable que le président de notre choix nous dise de nommer par assis et levé les deux scrutateurs ? ... Ceci , messieurs , est un choix déjà .
Serions - nous libres de choisir ? Peut - on , à côté de son voisin , rester assis ? On me proposerait , que tout le monde se lèverait , je crois , par politesse ; et comme nous nous lèverions tous pour chacun de nous , il n' y a pas de choix , là où tout le monde serait nommé nécessairement par tout le monde .
- Il a raison , dirent les soixante auditeurs .

LE DEPUTE D ARCIS (VIII, politi)
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