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Simon Giguet , protégé par la considération dont jouissait son vieux père et par l' influence qu' exerçait sa tante sur une petite ville dont les principaux habitants venaient dans son salon depuis vingt - quatre ans , déjà riche d' environ dix mille francs de rentes , sans compter les honoraires produits par son cabinet , et à qui la fortune de sa tante revenait un jour , ne mettait pas sa nomination en doute .
Néanmoins , le premier coup de cloche , en annonçant l' arrivée des électeurs les plus influents , retentit au coeur de l' ambitieux en y portant des craintes vagues . Simon ne se dissimulait ni l' habileté ni les immenses ressources du vieux Grévin , ni le prestige que le ministère déploierait en appuyant la candidature d' un jeune et brave officier alors en Afrique , attaché au prince royal , fils d' un des ex - grands citoyens de la France et neveu d' une maréchale .
" Il me semble , dit - il à son père , que j' ai la colique . Je sens une chaleur douceâtre au - dessous du creux de l' estomac , qui me donne des inquiétudes ...
- Les plus vieux soldats , répondit le colonel , avaient une pareille émotion quand le canon commençait à ronfler , au début de la bataille .
- Que sera - ce donc à la Chambre ? ... dit l' avocat .
- Le comte de Gondreville nous disait , répondit le vieux militaire , qu' il arrive à plus d' un orateur quelques - uns des petits inconvénients qui signalaient pour nous , vieilles culottes de peau , le début des batailles .
Tout cela pour des paroles oiseuses . Enfin , tu veux être député , fit le vieillard en haussant les épaules : sois - le !
- Mon père , le triomphe , c' est Cécile ! Cécile , c' est une immense fortune ! Aujourd' hui , la grande fortune , c' est le pouvoir !
- Ah ! combien les temps sont changés ! Sous l' Empereur , il fallait être brave !
- Chaque époque se résume dans un mot ! dit Simon à son père , en répétant une observation du vieux comte de Gondreville qui peint bien ce vieillard . Sous l' Empire , quand on voulait tuer un homme , on disait : " C' est un lâche ! " Aujourd' hui , l' on dit : " C' est un escroc ! "
- Pauvre France ! où t' a - t - on menée ! ... s' écria le colonel . Je vais retourner à mes roses .

LE DEPUTE D ARCIS (VIII, politi)
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