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- Que veulent donc les Beauvisage ? " fit le colonel en regardant alternativement sa soeur et son fils .
On peut trouver extraordinaire que le colonel Giguet , frère de Mme Marion , chez qui la société d' Arcis se réunissait tous les jours depuis vingt - quatre ans , dont le salon était l' écho de tous les bruits , de toutes les médisances , de tous les commérages du département de l' Aube , et où peut - être il s' en fabriquait , ignorât des événements et des faits de cette nature ; mais son ignorance paraîtra naturelle dès qu' on aura fait observer que ce noble débris des vieilles phalanges napoléoniennes se couchait et se levait avec les poules , comme tous les vieillards qui veulent vivre toute leur vie .
Il n' assistait donc jamais aux conversations intimes .
Il existe en province deux conversations , celle qui se tient officiellement quand tout le monde est réuni , joue aux cartes et babille ; puis , celle qui mitonne , comme un potage bien soigné , lorsqu' il ne reste devant la cheminée que trois ou quatre amis de qui l' on est sûr et qui ne répètent rien de ce qui se dit , que chez eux , quand ils se trouvent avec trois ou quatre autres amis bien sûrs .
Depuis neuf ans , depuis le triomphe de ses idées politiques , le colonel vivait presque en dehors de la société . Levé toujours en même temps que le soleil , il s' adonnait à l' horticulture , il adorait les fleurs , et de toutes les fleurs , il ne cultivait que les roses .
Il avait les mains noires du vrai jardinier ; il soignait ses carrés . Ses carrés ! ce mot lui rappelait les carrés d' hommes multicolores alignés sur les champs de batailles .
Toujours en conférence avec son garçon jardinier , il se mêlait peu , surtout depuis deux ans , à la société qu' il entrevoyait par échappées . Il ne faisait en famille qu' un repas , le dîner ; car il se levait de trop bonne heure pour pouvoir déjeuner avec son fils et sa soeur .
On doit aux efforts de ce colonel la fameuse rose - Giguet , que connaissent tous les amateurs .
Ce vieillard , passé à l' état de fétiche domestique , était exhibé , comme bien on le pense , dans les grandes circonstances . Certaines familles jouissent d' un demi - dieu de ce genre , et s' en parent comme on se pare d' un titre .

LE DEPUTE D ARCIS (VIII, politi)
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