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à qui te confieras - tu ? Comment as - tu pu te passer de l' oreille à qui tu disais tout ? Chère sensitive emportée par un orage , pourquoi t' es - tu déplantée du seul terrain où tu pourrais développer tes parfums ? Il me semble que je suis seule depuis deux siècles , j' ai froid aussi dans Paris .
J' ai déjà bien pleuré . être la cause de ta ruine ! quel texte aux pensées d' une femme aimante ! tu m' as traitée en enfant à qui l' on donne tout ce qu' il demande , en courtisane pour laquelle un étourdi mange sa fortune .
Ah ! ta prétendue délicatesse a été une insulte . Crois - tu que je ne pouvais me passer de toilette , de bals , d' Opéra , de succès ? Suis - je une femme légère ? Crois - tu que je ne puisse concevoir des pensées graves , servir à ta fortune aussi bien que je servais à tes plaisirs ? Si tu n' étais pas loin de moi , souffrant et malheureux , vous seriez bien grondé , monsieur , de tant d' impertinence .
Ravaler votre femme à ce point ! Mon Dieu ! pourquoi donc allais - je dans le monde ? pour flatter ta vanité ; je me parais pour toi , tu le sais bien .
Si j' avais des torts , je serais bien cruellement punie ; ton absence est une bien dure expiation de notre vie intime .
Cette joie était trop complète ; elle devait se payer par quelque grande douleur , et la voici venue ! Après ces bonheurs si soigneusement voilés aux regards curieux du monde , après ces fêtes continuelles entremêlées des folies secrètes de notre amour , il n' y a plus rien de possible que la solitude .
La solitude , cher ami , nourrit les grandes passions , et j' y aspire .
Que ferai - je dans le monde ? à qui reporter mes triomphes ? Ah ! vivre à Lanstrac , cette terre arrangée par ton père , dans un château que tu as renouvelé si luxueusement , y vivre avec ton enfant en t' attendant , en t' envoyant tous les soirs , tous les matins , la prière de la mère et de l' enfant , de la femme et de l' ange , ne sera - ce pas un demi - bonheur ? Vois - tu ces petites mains jointes dans les miennes ? Te souviendras - tu comme je vais m' en souvenir tous les soirs , de ces félicités que tu m' as rappelées dans ta chère lettre ? Oh ! oui , nous nous aimons autant l' un que l' autre .
Cette bonne certitude est un talisman contre le malheur .
Je ne doute pas plus de toi que tu ne doutes de moi .

CONTRAT DE MARIAGE (III, privé)
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