----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

D' ailleurs , Paul , je dois quitter Paris et aller dans la solitude . Cher enfant , apprends que tu as une double raison de faire fortune . Si ton courage avait besoin d' aiguillon , ce serait un autre coeur que tu trouverais maintenant en toi - même .
Mon bon ami , ne devines - tu pas ? nous aurons un enfant . Vos plus chers désirs sont comblés , monsieur . Je ne voulais pas te causer de ces fausses joies qui tuent , nous avons eu déjà trop de chagrin à ce sujet , je ne voulais pas être forcée de démentir la bonne nouvelle .
Aujourd' hui je suis certaine de ce que je t' annonce , heureuse ainsi de jeter une joie à travers tes douleurs . Ce matin , ne me doutant de rien , te croyant sorti dans Paris , j' étais allée à l' Assomption y remercier Dieu .
Pouvais - je prévoir un malheur ? tout me souriait pendant cette matinée . En sortant de l' église , j' ai rencontré ma mère ; elle avait appris ta détresse , et arrivait en poste avec ses économies , avec trente mille francs , espérant pouvoir arranger tes affaires .
Quel coeur , Paul ! J' étais joyeuse , je revenais pour t' annoncer ces deux bonnes nouvelles en déjeunant sous la tente de notre serre où je t' avais préparé les gourmandises que tu aimes .
Augustine me remet ta lettre . Une lettre de toi , quand nous avions dormi ensemble , n' était - ce pas tout un drame ? Il m' a pris un frisson mortel , et puis j' ai lu ! ... J' ai lu en pleurant , et ma mère fondait en larmes aussi ! Ne faut - il pas bien aimer un homme pour pleurer , car les pleurs enlaidissent une femme .
J' étais à demi morte .
Tant d' amour et tant de courage ! tant de bonheur et tant de misères ! les plus riches fortunes du coeur et la ruine momentanée des intérêts ! ne pas pouvoir presser le bien - aimé dans le moment où l' admiration de sa grandeur vous étreint , quelle femme eût résisté à cette tempête de sentiments ? Te savoir loin de moi quand ta main sur mon coeur m' aurait fait tant de bien ; tu n' étais pas là pour me donner ce regard que j' aime tant , pour te réjouir avec moi de la réalisation de tes espérances ; et je n' étais pas près de toi pour adoucir tes peines par ces caresses qui te rendent ta Natalie si chère , et qui te font tout oublier .
J' ai voulu partir , voler à tes pieds ; mais ma mère m' a fait observer que le départ de la Belle - Caroline devait avoir lieu le lendemain ; que la poste seule pouvait aller assez vite , et que , dans l' état où j' étais , ce serait une insigne folie que de risquer tout un avenir dans un cahot .

CONTRAT DE MARIAGE (III, privé)
Page: 633