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Il est impossible de dépeindre l' anxiété de Marie et l' intérêt que manifestaient à ce spectacle Hulot et sa troupe . Tous , ils répétaient silencieusement , à leur insu , les gestes des deux coureurs . Le Gars et Gudin parvinrent ensemble au rideau blanc de givre formé par le petit bois ; mais l' officier rétrograda tout à coup et s' effaça derrière un pommier .
Une vingtaine de Chouans , qui n' avaient pas tiré de peur de tuer leur chef , se montrèrent et criblèrent l' arbre de balles . Toute la petite troupe de Hulot s' élança au pas de course pour sauver Gudin , qui , se trouvant sans armes , revenait de pommier en pommier , en saisissant , pour courir , le moment où les Chasseurs du Roi chargeaient leurs armes .
Son danger dura peu .
Les Contre - Chouans mêlés aux Bleus , et Hulot à leur tête , vinrent soutenir le jeune officier à la place où le marquis avait jeté son tromblon . En ce moment , Gudin aperçut son adversaire tout épuisé , assis sous un des arbres du petit bouquet de bois ; il laissa ses camarades se canardant avec les Chouans retranchés derrière une haie latérale du champ , il les tourna et se dirigea vers le marquis avec la vivacité d' une bête fauve .
En voyant cette manoeuvre , les Chasseurs du Roi poussèrent d' effroyables cris pour avertir leur chef ; puis , après avoir tiré sur les Contre - Chouans avec le bonheur qu' ont les braconniers , ils essayèrent de leur tenir tête ; mais ceux - ci gravirent courageusement la haie qui servait de rempart à leurs ennemis , et y prirent une sanglante revanche .
Les Chouans gagnèrent alors le chemin qui longeait le champ dans l' enceinte duquel cette scène avait lieu , et s' emparèrent des hauteurs que Hulot avait commis la faute d' abandonner .
Avant que les Bleus eussent eu le temps de se reconnaître , les Chouans avaient pris pour retranchements les brisures que formaient les arêtes de ces rochers à l' abri desquels ils pouvaient tirer sans danger sur les soldats de Hulot , si ceux - ci faisaient quelque démonstration de vouloir venir les y combattre .
Pendant que Hulot , suivi de quelques soldats , allait lentement vers le petit bois pour y chercher Gudin , les Fougerais demeurèrent pour dépouiller les Chouans morts et achever les vivants .
Dans cette épouvantable guerre , les deux partis ne faisaient pas de prisonniers .
Le marquis sauvé , les Chouans et les Bleus reconnurent mutuellement la force de leurs positions respectives et l' inutilité de la lutte , en sorte que chacune ne songea plus qu' à se retirer .

LES CHOUANS (VIII, milit)
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