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Qu' avez - vous fait pour moi ? ... Vous me désirez . Croyez - vous vous être élevé par là bien au - dessus de ceux qui m' ont vue jusqu' à présent ? Avez - vous risqué , pour une heure de plaisir , vos Chouans , sans plus vous en soucier que je ne m' inquiétais des Bleus massacrés quand tout fut perdu pour moi ? Et si je vous ordonnais de renoncer à toutes vos idées , à vos espérances , à votre Roi qui m' offusque et qui peut - être se moquera de vous quand vous périrez pour lui ; tandis que je saurais mourir pour vous avec un saint respect ! Enfin , si je voulais que vous envoyassiez votre soumission au Premier consul pour que vous pussiez me suivre à Paris ? ... si j' exigeais que nous allassions en Amérique y vivre loin d' un monde où tout est vanité , afin de savoir si vous m' aimez bien pour moi - même , comme en ce moment je vous aime ! Pour tout dire en un mot , si je voulais , au lieu de m' élever à vous , que vous tombassiez jusqu' à moi , que feriez - vous ?
- Tais - toi , Marie , ne te calomnie pas . Pauvre enfant , je t' ai devinée ! Va , si mon premier désir est devenu de la passion , ma passion est maintenant de l' amour . Chère âme de mon âme , je le sais , tu es aussi noble que ton nom , aussi grande que belle ; je suis assez noble et me sens assez grand moi - même pour t' imposer au monde .
Est - ce parce que je pressens en toi des voluptés inouïes et incessantes ? ... est - ce parce que je crois rencontrer en ton âme ces précieuses qualités qui nous font toujours aimer la même femme ? j' en ignore la cause , mais mon amour est sans bornes , et il me semble que je ne puis plus me passer de toi .
Oui , ma vie serait pleine de dégoût si tu n' étais toujours près de moi ...
- Comment , près de vous ?
- Oh ! Marie , tu ne veux donc pas deviner ton Alphonse ?
- Ah ! croiriez - vous me flatter beaucoup en m' offrant votre nom , votre main ? dit - elle avec un apparent dédain mais en regardant fixement le marquis pour en surprendre les moindres pensées . Et savez - vous si vous m' aimerez dans six mois , et alors quel serait mon avenir ? ... Non , non , une maîtresse est la seule femme qui soit sûre des sentiments qu' un homme lui témoigne ; car le devoir , les lois , le monde , l' intérêt des enfants , n' en sont pas les tristes auxiliaires , et si son pouvoir est durable , elle y trouve des flatteries et un bonheur qui font accepter les plus grands chagrins du monde .
être votre femme et avoir la chance de vous peser un jour ! ... à cette crainte je préfère un amour passager , mais vrai , quand même la mort et la misère en seraient la fin .

LES CHOUANS (VIII, milit)
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