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Mme du Gua , l' abbé Gudin , le major Brigaut , le chevalier du Vissard , le baron du Guénic , le comte de Bauvan enthousiasmés , firent entendre le cri de vive le Roi ! Si d' abord les autres chefs hésitèrent un moment à répéter ce cri , bientôt entraînés par la noble action du marquis , ils le prièrent d' oublier ce qui venait de se passer , en l' assurant que , sans lettres patentés , il serait toujours leur chef .
" Allons danser , s' écria le comte de Bauvan , et advienne que pourra ! Après tout , ajouta - t - il gaiement , il vaut mieux , mes amis , s' adresser à Dieu qu' à ses saints . Battons - nous d' abord , et nous verrons après .
- Ah ! c' est vrai , ça . Sauf votre respect , monsieur le baron , dit Brigaut à voix basse en s' adressant au loyal du Guénic , je n' ai jamais vu réclamer dès le matin le prix de la journée . "
L' assemblée se dispersa dans les salons où quelques personnes étaient déjà réunies . Le marquis essaya vainement de quitter l' air sombre qui altéra son visage , les chefs aperçurent aisément les impressions défavorables que cette scène avait produites sur un homme dont le dévouement était encore accompagné des belles illusions de la jeunesse , et ils en furent honteux .
Une joie enivrante éclatait dans cette réunion composée des personnes les plus exaltées du parti royaliste , qui , n' ayant jamais pu juger , du fond d' une province insoumise , les événements de la Révolution , devaient prendre les espérances les plus hypothétiques pour des réalités .
Les opérations hardies commencées par Montauran , son nom , sa fortune , sa capacité , relevaient tous les courages , et causaient cette ivresse politique , la plus dangereuse de toutes , en ce qu' elle ne se refroidit que dans des torrents de sang presque toujours inutilement versés .
Pour toutes les personnes présentes , la Révolution n' était qu' un trouble passager dans le royaume de France , où , pour elles , rien ne paraissait changé .
Ces campagnes appartenaient toujours à la maison de Bourbon . Les royalistes y régnaient si complètement que quatre années auparavant , Hoche y obtint moins la paix qu' un armistice .
Les nobles traitaient donc fort légèrement les Révolutionnaires : pour eux , Bonaparte était un Marceau plus heureux que son devancier .

LES CHOUANS (VIII, milit)
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