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Au pied du château et entre plusieurs masses de granit , s' élève l' église dédiée à saint Sulpice , qui donne son nom à un faubourg situé par - delà le Nançon . Ce faubourg , comme jeté au fond d' un abîme , et son église dont le clocher pointu n' arrive pas à la hauteur des roches qui semblent près de tomber sur elle et sur les chaumières qui l' entourent , sont pittoresquement baignés par quelques affluents du Nançon , ombragés par des arbres et décorés par des jardins ; ils coupent irrégulièrement la demi - lune que décrivent la Promenade , la ville et le château , et produisent , par leurs détails , de naïves oppositions avec les graves spectacles de l' amphithéâtre , auquel ils font face .
Enfin Fougères tout entier , ses faubourgs et ses églises , les montagnes même de Saint - Sulpice , sont encadrés par les hauteurs de Rille , qui font partie de l' enceinte générale de la grande vallée du Couesnon .
Tels sont les traits les plus saillants de cette nature dont le principal caractère est une âpreté sauvage , adoucie par de riants motifs , par un heureux mélange des travaux les plus magnifiques de l' homme avec les caprices d' un sol tourmenté par des oppositions inattendues , par je ne sais quoi d' imprévu qui surprend , étonné et confond .
Nulle part en France le voyageur ne rencontre de contrastes aussi grandioses que ceux offerts par le grand bassin du Couesnon et par les vallées perdues entre les rochers de Fougères et les hauteurs de Rille .
C' est de ces beautés inouïes où le hasard triomphe , et auxquelles ne manquent aucunes des harmonies de la nature .
Là des eaux claires , limpides , courantes ; des montagnes vêtues par la puissante végétation de ces contrées ; des rochers sombres et des fabriques élégantes ; des fortifications élevées par la nature et des tours de granit bâties par les hommes ; puis , tous les artifices de la lumière et de l' ombre , toutes les oppositions entre les différents feuillages , tant prisées par les dessinateurs ; des groupes de maisons où foisonne une population active , et des places désertes , où le granit ne souffre pas même les mousses blanches qui s' accrochent aux pierres : enfin toutes les idées qu' on demande à un paysage : de la grâce et de l' horreur , un poème plein de renaissantes magies , de tableaux sublimes , de délicieuses rusticités ! La Bretagne est là dans sa fleur .

LES CHOUANS (VIII, milit)
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