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Permettez - moi , monsieur de Bauvan , de vous soumettre à ce propos un léger raisonnement de femme . êtes - vous si jeune , que vous ne sachiez pas que , de toutes les créatures de notre sexe , la plus difficile à soumettre est celle dont la valeur est chiffrée et qui s' ennuie du plaisir .
Cette sorte de femme exige , m' a - t - on dit , d' immenses séductions , ne cède qu' à ses caprices ; et , prétendre lui plaire , est chez un homme la plus grande des fatuités . Mettons à part cette classe de femmes dans laquelle vous me faites la galanterie de me ranger , car elles sont tenues toutes d' être belles , vous devez comprendre qu' une jeune femme noble , belle , spirituelle ( vous m' accordez ces avantages ) , ne se vend pas , et ne peut s' obtenir que d' une seule façon , quand elle est aimée .
Vous m' entendez ! Si elle aime , et qu' elle veuille faire une folie , elle doit être justifiée par quelque grandeur .
Pardonnez - moi ce luxe de logique , si rare chez les personnes de notre sexe ; mais , pour votre honneur et ... le mien , dit - elle en s' inclinant , je ne voudrais pas que nous nous trompassions sur notre mérite , ou que vous crussiez mademoiselle de Verneuil , ange ou démon , fille ou femme , capable de se laisser prendre à de banales galanteries .
- Mademoiselle , dit le marquis dont la surprise quoique dissimulée fut extrême et qui redevint tout à coup homme de grande compagnie , je vous supplie de croire que je vous accepte comme une très noble personne , pleine de coeur et de sentiments élevés , ou ... comme une bonne fille , à votre choix !
- Je ne vous demande pas tant , monsieur , dit - elle en riant . Laissez - moi mon incognito . D' ailleurs , mon masque est mieux mis que le vôtre , et il me plaît à moi de le garder , ne fût - ce que pour savoir si les gens qui me parlent d' amour sont sincères ... Ne vous hasardez donc pas légèrement près de moi .
- Monsieur , écoutez , lui dit - elle en lui saisissant le bras avec force , si vous pouviez me prouver un véritable amour , aucune puissance humaine ne nous séparerait .

LES CHOUANS (VIII, milit)
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