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Merle fut chargé d' ensevelir les morts dans un ravin de la route . D' autres soldats s' occupèrent du transport des blessés . Les charrettes et les chevaux des fermes voisines furent mis en réquisition , et l' on s' empressa d' y placer les camarades souffrants sur les dépouilles des morts . Avant de partir , la garde nationale de Fougères remit à Hulot un Chouan dangereusement blessé qu' elle avait pris au bas de la côte abrupte par où s' échappèrent les Chouans , et où il avait roulé , trahi par ses forces expirantes .
" Merci de votre coup de main , citoyens , dit le commandant . Tonnerre de Dieu ! sans vous , nous pouvions passer un rude quart d' heure . Prenez garde à vous ! la guerre est commencée . Adieu , mes braves . " Puis , Hulot se tournant vers le prisonnier : " Quel est le nom de ton général ? lui demanda - t - il .
- Le Gars .
- Qui ? Marche - à - terre ?
- Non , le Gars .
- D' où le Gars est - il venu ? "
à cette question , le Chasseur du Roi , dont la figure rude et sauvage était abattue par la douleur , garda le silence , prit son chapelet et se mit à réciter des prières .
" Le Gars est sans doute ce jeune ci - devant à cravate noire ? Il a été envoyé par le tyran et ses alliés Pitt et Cobourg . "
à ces mots , le Chouan , qui n' en savait pas si long , releva fièrement la tête : " Envoyé par Dieu et le Roi ! " Il prononça ces paroles avec une énergie qui épuisa ses forces . Le commandant vit qu' il était difficile de questionner un homme mourant dont toute la contenance trahissait un fanatisme obscur , et détourna la tête en fronçant le sourcil .
Deux soldats , amis de ceux que Marche - à - terre avait si brutalement dépêchés d' un coup de fouet sur l' accotement de la route , car ils y étaient morts , se reculèrent de quelques pas , ajustèrent le Chouan , dont les yeux fixes ne se baissèrent pas devant les canons dirigés sur lui , le tirèrent à bout portant , et il tomba .
Lorsque les soldats s' approchèrent pour dépouiller le mort , il cria fortement encore : " Vive le Roi ! "
" Oui , oui , sournois , dit La - clef - des - coeurs , va - t' en manger de la galette chez ta bonne Vierge . Ne vient - il pas nous crier au nez vive le tyran , quand on le croit frit !
- Tenez , mon commandant , dit Beau - pied , voici les papiers du brigand .

LES CHOUANS (VIII, milit)
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