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- Hélas oui ! dit en soupirant le commandant Hulot . Ces polichinelles de Directeurs ont su se brouiller avec tous les hommes qui pouvaient bien mener la barque . Bernadotte , Carnot , tout , jusqu' au citoyen Talleyrand , nous a quittés . Bref , il ne reste plus qu' un seul bon patriote , l' ami Fouché qui tient tout par la police ; voilà un homme ! Aussi est - ce lui qui m' a fait prévenir à temps de cette insurrection . Encore nous voilà pris , j' en suis sûr , dans quelque traquenard .
- Oh ! si l' armée ne se mêle pas un peu de notre gouvernement , dit Gérard , les avocats nous remettront plus mal que nous ne l' étions avant la Révolution . Est - ce que ces chafouins - là s' entendent à commander !
- J' ai toujours peur , reprit Hulot , d' apprendre qu' ils traitent avec les Bourbons . Tonnerre de Dieu ! s' ils s' entendaient , dans quelle passe nous serions ici , nous autres ?
- Non , non , commandant , nous n' en viendrons pas là , dit Gérard . L' armée , comme vous le dites , élèvera la voix , et , pourvu qu' elle ne prenne pas ses expressions dans le vocabulaire de Pichegru , j' espère que nous ne nous serons pas hachés pendant dix ans pour , après tout , faire pousser du lin et le voir filer à d' autres .
- Oh ! oui , s' écria le commandant , il nous en a furieusement coûté pour changer de costume .
- Eh bien , dit le capitaine Merle , agissons toujours ici en bons patriotes , et tâchons d' empêcher nos Chouans de communiquer avec la Vendée ; car s' ils s' entendent et que l' Angleterre s' en mêle , cette fois je ne répondrais pas du bonnet de la République , une et indivisible . "
Là , le cri de chouette , qui se fit entendre à une distance assez éloignée , interrompit la conversation . Le commandant , plus inquiet , examina derechef Marche - à - terre dont la figure impassible ne donnait , pour ainsi dire , pas signe de vie .
Les conscrits , rassemblés par un officier , étaient réunis comme un troupeau de bétail au milieu de la route , à trente pas environ de la compagnie en bataille . Puis derrière eux , à dix pas , se trouvaient les soldats et les patriotes commandés par le lieutenant Lebrun .
Le commandant jeta les yeux sur cet ordre de bataille et regarda une dernière fois le piquet d' hommes postés en avant sur la route .
Content de ses dispositions , il se retournait pour ordonner de se mettre en marche , lorsqu' il aperçut les cocardes tricolores des deux soldats qui revenaient après avoir fouillé les bois situés sur la gauche .
Le commandant , ne voyant point reparaître les deux éclaireurs de droite , voulut attendre leur retour .

LES CHOUANS (VIII, milit)
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