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Les parties de cette province où , de nos jours encore , la vie sauvage et l' esprit superstitieux de nos rudes aïeux sont restés , pour ainsi dire , flagrants , se nomment le pays des Gars . Lorsqu' un canton est habité par nombre de Sauvages semblables à celui qui vient de comparaître dans cette Scène , les gens de la contrée disent : les gars de telle paroisse ; et ce nom classique est comme une récompense de la fidélité avec laquelle ils s' efforcent de conserver les traditions du langage et des moeurs gaéliques ; aussi leur vie garde - t - elle de profonds vestiges des croyances et des pratiques superstitieuses des anciens temps .
Là , les coutumes féodales sont encore respectées .
Là , les antiquaires retrouvent debout les monuments des Druides .
Là , le génie de la civilisation moderne s' effraie de pénétrer à travers d' immenses forêts primordiales .
Une incroyable férocité , un entêtement brutal , mais aussi la foi du serment ; l' absence complète de nos lois , de nos moeurs , de notre habillement , de nos monnaies nouvelles , de notre langage , mais aussi la simplicité patriarcale et d' héroïques vertus s' accordent à rendre les habitants de ces campagnes plus pauvres de combinaisons intellectuelles que ne le sont les Mohicans et les Peaux - Rouges de l' Amérique septentrionale , mais aussi grands , aussi rusés , aussi durs qu' eux .
La place que la Bretagne occupe au centre de l' Europe la rend beaucoup plus curieuse à observer que ne l' est le Canada .
Entouré de lumières dont la bienfaisante chaleur ne l' atteint pas , ce pays ressemble à un charbon glacé qui resterait obscur et noir au sein d' un brillant foyer .
Les efforts tentés par quelques grands esprits pour conquérir à la vie sociale et à la prospérité cette belle partie de la France , si riche de trésors ignorés , tout , même les tentatives du gouvernement , meurt au sein de l' immobilité d' une population vouée aux pratiques d' une immémoriale routine .
Ce malheur s' explique assez par la nature d' un sol encore sillonné de ravins , de torrents , de lacs et de marais ; hérissé de haies , espèces de bastions en terre qui font , de chaque champ , une citadelle ; privé de routes et de canaux ; puis , par l' esprit d' une population ignorante , livrée à des préjugés dont les dangers seront accusés par les détails de cette histoire , et qui ne veut pas de notre moderne agriculture .

LES CHOUANS (VIII, milit)
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