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à l' instant où les soldats se retournèrent , une invisible main semblait enlever à ce paysage le dernier des voiles dont elle l' aurait enveloppé , nuées fines , semblables à ce linceul de gaze diaphane qui couvre les bijoux précieux et à travers lequel ils excitent la curiosité . Dans le vaste horizon que les officiers embrassèrent , le ciel n' offrait pas le plus léger nuage qui pût faire croire , par sa clarté d' argent , que cette immense voûte bleue fût le firmament .
C' était plutôt un dais de soie supporté par les cimes inégales des montagnes , et placé dans les airs pour protéger cette magnifique réunion de champs , de prairies , de ruisseaux et de bocages .
Les officiers ne se laissaient pas d' examiner cet espace où jaillissent tant de beautés champêtres . Les uns hésitaient longtemps avant d' arrêter leurs regards parmi l' étonnante multiplicité de ces bosquets que les teintes sévères de quelques touffes jaunies enrichissaient des couleurs du bronze , et que le vert émeraude des prés irrégulièrement coupés faisait encore ressortir .
Les autres s' attachaient aux contrastes offerts par des champs rougeâtres où le sarrasin récolté se dressait en gerbes coniques semblables aux faisceaux d' armes que le soldat amoncelle au bivouac , et séparés par d' autres champs que doraient les guérets des seigles moissonnés .
çà et là , l' ardoise sombre de quelques toits d' où sortaient de blanches fumées , puis les tranchées vives et argentées que produisaient les ruisseaux tortueux du Couesnon , attiraient l' oeil par quelques - uns de ces pièges d' optique qui rendent , sans qu' on sache pourquoi , l' âme indécise et rêveuse .
La fraîcheur embaumée des brises d' automne , la forte senteur des forêts , s' élevaient comme un nuage d' encens et enivraient les admirateurs de ce beau pays , qui contemplaient avec ravissement ses fleurs inconnues , sa végétation vigoureuse , sa verdure rivale de celle d' Angleterre , sa voisine , dont le nom est commun aux deux pays .
Quelques bestiaux animaient cette scène déjà si dramatique .
Les oiseaux chantaient , et faisaient ainsi rendre à la vallée une suave , une sourde mélodie qui frémissait dans les airs .

LES CHOUANS (VIII, milit)
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