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Les républicains seuls marchaient avec une sorte de gaieté . Quant aux autres individus de la troupe , s' ils offraient des différences sensibles dans leurs costumes , ils montraient sur leurs figures et dans leurs attitudes cette expression uniforme que donne le malheur .
Bourgeois et paysans , tous gardaient l' empereur d' une mélancolie profonde ; leur silence avait quelque chose de farouche , et ils semblaient courbés sous le joug d' une même pensée , terrible sans doute , mais soigneusement cachée , car leurs figures étaient impénétrables ; seulement , la lenteur peu ordinaire de leur marche pouvait trahir de secrets calculs .
De temps en temps , quelques - uns d' entre eux , remarquables par des chapelets suspendus à leur cou , malgré le danger qu' ils couraient à conserver ce signe d' une religion plutôt supprimée que détruite , secouaient leurs cheveux et relevaient la tête avec défiance .
Ils examinaient alors à la dérobée les bois , les sentiers et les rochers qui encaissaient la route , mais de l' air avec lequel un chien , mettant le nez au vent , essaie de subodorer le gibier ; puis , en n' entendant que le bruit monotone des pas de leurs silencieux compagnons , ils baissaient de nouveau leurs têtes et reprenaient leur contenance de désespoir , semblables à des criminels emmenés au bagne pour y vivre , pour y mourir .
La marche de cette colonne sur Mayenne , les éléments hétérogènes qui la composaient et les divers sentiments qu' elle exprimait s' expliquaient assez naturellement par la présence d' une autre troupe formant la tête du détachement .
Cent cinquante soldats environ marchaient en avant avec armes et bagages , sous le commandement d' un chef de demi - brigade . Il n' est pas inutile de faire observer à ceux qui n' ont pas assisté au drame de la Révolution , que cette dénomination remplaçait le titre de colonel , proscrit par les patriotes comme trop aristocratique .
Ces soldats appartenaient au dépôt d' une demi - brigade d' infanterie en séjour à Mayennne .
Dans ces temps de discordes , les habitants de l' Ouest avaient appelé tous les soldats de la République , des Bleus . Ce surnom était dû à ces premiers uniformes bleus et rouges dont le souvenir est encore assez frais pour rendre leur description superflue .

LES CHOUANS (VIII, milit)
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