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Quelques - uns étaient chaussés avec ces sabots que les paysans de la Bretagne savent faire eux - mêmes ; mais presque tous avaient de gros souliers ferrés et des habits de drap fort grossier , taillés comme les anciens habits français , dont la forme est encore religieusement gardée par nos paysans .
Le col de leur chemise était attaché par des boutons d' argent qui figuraient ou des coeurs ou des ancres . Enfin , leurs bissacs paraissaient mieux fournis que ne l' étaient ceux de leurs compagnons ; puis , plusieurs d' entre eux joignaient à leur équipage de route une gourde sans doute pleine d' eau - de - vie , et suspendue par une ficelle à leur cou .
Quelques citadins apparaissaient au milieu de ces hommes à demi sauvages , comme pour marquer le dernier terme de la civilisation de ces contrées .
Coiffés de chapeaux ronds , de claques ou de casquettes , ayant des bottes à revers ou des souliers maintenus par des guêtres , ils présentaient comme les paysans des différences remarquables dans leurs costumes .
Une dizaine d' entre eux portaient cette veste républicaine connue sous le nom de carmagnole .
D' autres , de riches artisans sans doute , étaient vêtus de la tête aux pieds en drap de la même couleur . Les plus recherchés dans leur mise se distinguaient par des fracs et des redingotes de drap bleu ou vert plus ou moins râpé .
Ceux - là , véritables personnages , portaient des bottes de diverses formes , et badinaient avec de grosses cannes en gens qui font contre fortune bon coeur .
Quelques têtes soigneusement poudrées , des queues assez bien tressées annonçaient cette espèce de recherche que nous inspire un commencement de fortune ou d' éducation .
En considérant ces hommes étonnés de se voir ensemble , et ramassés comme au hasard , on eût dit la population d' un bourg chassée de ses foyers par un incendie . Mais l' époque et les lieux donnaient un tout autre intérêt à cette masse d' hommes .
Un observateur initié au secret des discordes civiles qui agitaient alors la France aurait pu facilement reconnaître le petit nombre de citoyens sur la fidélité desquels la République devaient compter dans cette troupe , presque entièrement composée de gens qui , quatre ans auparavant , avaient guerroyé contre elle .
Un dernier trait assez saillant ne laissait aucun doute sur les opinions qui divisaient ce rassemblement .

LES CHOUANS (VIII, milit)
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