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Quelques - uns des paysans , et c' était le plus grand nombre , allaient pieds nus , ayant pour tout vêtement une grande peau de chèvre qui les couvraient depuis le col jusqu' aux genoux , et un pantalon de toile blanche très grossière , dont le fil mal tondu accusait l' incurie industrielle du pays . Les mèches plates de leurs longs cheveux s' unissaient si habituellement aux poils de la peau de chèvre et cachaient si complètement leurs visages baissés vers la terre , qu' on pouvait facilement prendre cette peau pour la leur , et confondre , à la première vue , ces malheureux avec les animaux dont les dépouilles leur servaient de vêtement .
Mais à travers ces cheveux l' on voyait bientôt briller leurs yeux comme des gouttes de rosée dans une épaisse verdure ; et leurs regards , tout en annonçant l' intelligence humaine , causaient certainement plus de terreur que de plaisir .
Leurs têtes étaient surmontées d' une sale toque en laine rouge , semblable à ce bonnet phrygien que la République adoptait alors comme emblème de la liberté .
Tous avaient sur l' épaule un gros bâton de chêne noueux , au bout duquel pendait un long bissac de toile , peu garni .
D' autres portaient , par - dessus leur bonnet , un grossier chapeau de feutre à larges bords et orné d' une espèce de chenille en laine de diverses couleurs qui en entourait la forme .
Ceux - ci , entièrement vêtus de la même toile dont étaient faits les pantalons et les bissacs des premiers , n' offraient presque rien dans leur costume qui appartint à la civilisation nouvelle .
Leurs longs cheveux retombaient sur le collet d' une veste ronde à petites poches latérales et carrées qui n' allait que jusqu' aux hanches , vêtement particulier aux paysans de l' Ouest .
Sous cette veste ouverte on distinguait un gilet de même toile , à gros boutons .
Quelques - uns d' entre eux marchaient avec des sabots ; tandis que , par économie , d' autres tenaient leurs souliers à la main . Ce costume , sali par un long usage , noirci par la sueur ou par la poussière , et moins original que le précédent , avait pour mérite historique de servir de transition à l' habillement presque somptueux de quelques hommes qui , dispersés çà et là , au milieu de la troupe , y brillaient comme des fleurs .
En effet , leurs pantalons de toile bleue , leurs gilets rouges ou jaunes ornés de deux rangées de boutons de cuivre parallèles , et semblables à des cuirasses carrées , tranchaient aussi vivement sur les vêtements blancs et les peaux de leurs compagnons , que des bluets et des coquelicots dans un champ de blé .

LES CHOUANS (VIII, milit)
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