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L' aube de l' éternité blanchissait déjà son front , et dorait son visage de teintes célestes . Elle entendait sans doute de mystiques harmonies , et puisait la force de vivre dans son désir de s' unir une dernière fois à Dieu ; le curé Bonnet vint auprès du lit et lui donna l' absolution ; l' archevêque lui administra les saintes huiles avec un sentiment paternel qui montrait à tous les assistants combien cette brebis égarée , mais revenue , lui était chère .
Le prélat ferma aux choses de la terre , par une sainte onction , ces yeux qui avaient causé tant de mal , et mit le cachet de l' Église sur ces lèvres trop éloquentes .
Les oreilles , par où les mauvaises inspirations avaient pénétré , furent à jamais closes . Tous les sens , amortis par la pénitence , furent ainsi sanctifiés , et l' esprit du mal dut être sans pouvoir sur cette âme .
Jamais assistance ne comprit mieux la grandeur et la profondeur d' un sacrement , que ceux qui voyaient les soins de l' Église justifiés par les aveux de cette femme mourante .
Ainsi préparée , Véronique reçut le corps de Jésus = Christ avec une expression d' espérance et de joie qui fondit les glaces de l' incrédulité contre laquelle le curé s' était tant de fois heurté .
Roubaud confondu devint catholique en un moment ! Ce spectacle fut touchant et terrible à la fois ; mais il fut solennel par la disposition des choses , à un tel point que la peinture y aurait trouvé peut = être le sujet d' un de ses chefs = d' oeuvre .
Quand , après ce funèbre épisode , la mourante entendit commencer l' évangile de saint Jean , elle fit signe à sa mère de lui ramener son fils , qui avait été emmené par le précepteur .
Quand elle vit Francis agenouillé sur l' estrade , la mère pardonnée se crut le droit d' imposer ses mains à cette tête pour la bénir , et rendit le dernier soupir .
La vieille Sauviat était là , debout , toujours à son poste , comme depuis vingt années . Cette femme , héroïque à sa manière , ferma les yeux de sa fille qui avait tant souffert , et les baisa l' un après l' autre .
Tous les prêtres , suivis du clergé , entourèrent alors le lit . Aux clartés flamboyantes des cierges , ils entonnèrent le terrible chant du De profundis , dont les clameurs apprirent à toute la population agenouillée devant le château , aux amis qui priaient dans les salles et à tous les serviteurs , que la mère de ce canton venait de mourir .
Cette hymne fut accompagnée de gémissements et de pleurs unanimes .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
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