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Les traînes qui sillonnent la plaine au = delà du bourg s' étaient voilées de vapeurs fines et légères . Dans les grandes prairies que partage le chemin départemental , alors ombragé de peupliers , d' acacias et de vernis du Japon , également entremêlés , tous si bien venus qu' ils donnaient déjà de l' ombrage , on apercevait les immenses et célèbres troupeaux de haut bétail , parsemés , groupés , les uns ruminant les autres paissant encore .
Les hommes , les femmes , les enfants achevaient les plus jolis travaux de la campagne , ceux de la fenaison .
L' air du soir , animé par la subite fraîcheur des orages , apportait les nourrissantes senteurs des herbes coupées et des bottes de foin faites .
Les moindres accidents de ce beau panorama se voyaient parfaitement : et ceux qui craignant l' orage , achevaient en toute hâte des meules autour desquelles les faneuses accouraient avec des fourches chargées , et ceux qui remplissaient les charrettes au milieu des botteleurs , et ceux qui , dans le lointain , fauchaient encore , et celles qui retournaient les longues lignes d' herbes abattues comme des hachures sur les prés pour les faner , et celles qui se pressaient de les mettre en maquets .
On entendait les rires de ceux qui jouaient , mêlés aux cris des enfants qui se poussaient sur les tas de foin .
On distinguait les jupes roses , ou rouges , ou bleues , les fichus , les jambes nues , les bras des femmes parées toutes de ces chapeaux de paille commune à grands bords , et les chemises des hommes , presque tous en pantalons blancs .
Les derniers rayons du soleil poudroyaient à travers les longues lignes des peupliers plantés le long des rigoles qui divisent la plaine en prairies inégales , et caressaient les groupes composés de chevaux , de charrettes d' hommes , de femmes , d' enfants et de bestiaux .
Les gardeurs de boeufs , les bergères commençaient à réunir leurs troupeaux en les appelant au son de cornets rustiques .
Cette scène était à la fois bruyante et silencieuse , singulière antithèse qui n' étonnera que les gens à qui les splendeurs de la campagne sont inconnues .
Soit d' un côté du bourg , soit de l' autre , des convois de vert fourrage se succédaient .
Ce spectacle avait je ne sais quoi d' engourdissant . Aussi Véronique allait - elle silencieuse , entre Gérard et le curé .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
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