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Ce village est devenu presque une ville , et le tiers des terres qui en dépendent sont cultivées par notre famille , que Dieu a constamment protégée : nos cultures ont réussi , nos produits sont magnifiques , et nous sommes riches . Aussi avons - nous pu bâtir une église catholique , la ville est catholique , nous n' y souffrons point d' autres cultes , et nous espérons convertir par notre exemple les mille sectes qui nous entourent .
La vraie religion est en minorité dans ce triste pays d' argent et d' intérêts où l' âme a froid . Néanmoins , j' y retournerai mourir plutôt que de faire le moindre tort et causer la plus légère peine à la mère de notre cher Francis .
Seulement , monsieur Bonnet , conduisez - moi pendant cette nuit au presbytère , et que je puisse prier sur sa tombe , qui m' a seule attirée ici ; car à mesure que je me rapprochais de l' endroit où il est , je me sentais tout autre .
Non , je ne croyais pas être si heureuse ici ! ...
- Eh bien , dit le curé , partons , venez . Si quelque jour vous pouviez revenir sans inconvénients , je vous écrirai , Denise ; mais peut = être cette visite à votre pays vous permettra - t - elle de demeurer là = bas sans souffrir ...
- Quitter ce pays , qui maintenant est si beau ! Voyez donc ce que Mme Graslin a fait du Gabou ? dit - elle en montrant le lac éclairé par la lune . Enfin , tous ces domaines seront à notre cher Francis !
- Vous ne partirez pas , Denise " , dit Mme Graslin en se montrant à la porte de l' étable .
La soeur de Jean = François Tascheron joignit les mains à l' aspect du spectre qui lui parlait . En ce moment , la pâle Véronique , éclairée par la lune , eut l' air d' une ombre en se dessinant sur les ténèbres de la porte ouverte de l' étable . Ses yeux brillaient comme deux étoiles .
" Non , ma fille , vous ne quitterez pas le pays que vous êtes venue revoir de si loin , et vous y serez heureuse , ou Dieu refuserait de seconder mes oeuvres , et c' est lui qui sans doute vous envoie ! "
Elle prit par la main Denise étonnée , et l' emmena par un sentier vers l' autre rive du lac , en laissant sa mère et le curé qui s' assirent sur le banc .
" Laissons - lui faire ce qu' elle veut " , dit la Sauviat .
Quelques instants après , Véronique revint seule , et fut reconduite au château par sa mère et par le curé . Sans doute elle avait conçu quelque projet qui voulait le mystère , car personne dans le pays ne vit Denise et n' entendit parler d' elle .

LE CURE DE VILLAGE (IX, campagn)
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